vendredi 20 novembre 2020

La disparition de la hiérarchie – Chronique du 20 novembre

Bonjour-bonjour

 

Malgré mon projet de laisser tomber dans l’oubli le petit voyage que j’ai récemment effectué au pays de la covid, j’y reviens malgré tout aujourd’hui, juste pour quelque chose qui pourrait être révélateur de notre vie sociale : je veux parler de la disparition, due aux tenues sanitaires, des distinctions vestimentaires entre les différentes catégories de soignants.



Peut-être est-ce un cas particulier au CHU rémois, mais là où tout habituellement le personnel était divisé en fonctions hiérarchisées et distinguées par des codes-couleurs ou des badges variés, ici plus aucune distinction n’est de mise. Une femme entre dans votre chambre, si elle y pense elle va se présenter : « Je suis l’infirmière » ou bien rien du tout ; vous saurez bien à temps à qui vous avez affaire si elle vous flanque une aiguille dans le bras. Dans les autres cas vous devinerez qu’il s’agit d’une aide-soignante, à moins qu’elle n’ait un balai à la main. Mais attention ! La dame en question peut aussi être votre médecin qui a oublié de se présenter. Et alors c’est son propos qui va révéler quel est son métier : si elle vous parle de vos fonctions vitales, vous saurez à qui vous avez affaire. 

 

Le virus réalise une grande utopie systématiquement imaginées par les auteurs de fictions sociales : celle de l’homogénéisation des citoyens, distingués par leur costume seulement quand leur fonction l’exige et toujours en raison d’un projet politique. Nos démocraties en voulant niveler les inégalités ont libéralisé le costume : que chacun s’habille comme il le veut, et même si de temps à autre on fantasme sur l’uniforme scolaire, on sent bien que c’est aller à rebours de la tendance générale. Que cette liberté soit porteuse de signes évoquant les inégalités de richesse ou de condition parait être un inconvénient qu’on doit accepter sous peine de détruire le principe de plaisir individuel qui gouverne nos sociétés. 

 

Pour en revenir à l’hôpital, j’apprécie de ne pas savoir à qui j’ai affaire quand un(e) soignant(e) entre dans ma chambre. Oublier la fonction pour ne s’adresser qu’à la personne : bien sûr il ne s’agit pas de faire comme si la compétence n’avait plus sa place dans la situation. Mais elle n’est plus qu’une pellicule sous laquelle transparait maintenant, oubliée la hiérarchie hospitalière, la réalité de la personne. Ça peut être décevant ; mais ça peut aussi être une richesse.

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