Bonjour-bonjour
Hier Axel Kahn est apparu dans le studio de France Inter puis sur le plateau de C à vous – et sans doute ailleurs au cours de la journée. Il venait annoncer que malade d’un cancer particulièrement agressif il ne serait bientôt plus et qu’il mettait un terme à ses responsabilités à la tête de la Ligue contre le cancer.
Axel Kahn a le courage de nous dire qu’il arrive au terme de sa vie, qu’il est persuadé que mourir c’est être anéanti, mais que le temps qui lui reste il doit encore vivre – pleinement vivre. Refusant l’injonction du « lâcher prise » si prisée par les coachs de développement personnel, il se situe dans la lignée revendiquée des stoïciens, appliquant sans le nommer le précepte de Montaigne, le quel voulait que la mort le surprenne « plantant ses choux, indifférent à sa venue et plus encore à l’obligation … de laisser son jardinage inachevé » (Essais, 1-20) ». Il est un des rares à affronter ce qu’on appelle « l’en deçà de la mort », moment où celle-ci est imminente et parfaitement datée. Jankélévitch disait que la pire cruauté consistait à faire savoir au condamné à mort la date de son exécution ; c’est à cette épreuve qu’est soumis le cancérologue que fut Axel Kahn.
Si son courage nous impressionne c’est parce qu’il affronte cette épreuve de continuer à vivre sachant que demain il sera mort. Toutefois il ne s’agit pas exactement de continuer à vivre « comme si de rien n’était » : certes, face à la mort il faut nous conserver nos principes, ceux qui ont soutenu notre vie ; mais en sachant les adapter à ce néant où nous allons basculer.
- C’est ce que nous dit Axel Kahn : demain je ne serai plus – plus rien – mais en attendant je dois continuer de vivre, comme j’ai toujours vécu, en me battant contre cette « saloperie de maladie ». Mais ce n’est pas tout : car même si le néant nous attend, une « vie après la mort » existe malgré tout : il s’agit de la trace que nous laisserons dans la mémoire de ceux qui nous auront connus. Au moment où nous arrivons à « l’en deçà de la mort », cette trace se nomme « transmission », et elle consiste à permettre que d’autres puissent tirer parti de notre expérience ; pour reprendre la métaphore de Montaigne il est vrai que nous ne mangerons peut-être pas les choux que nous venons de planter ; mais faisons en sorte qu’ils ne pourrissent pas sur pied et que d’autre puissent en profiter. C’est ainsi que le laboureur de La Fontaine sentant la mort venir ne manque pas de transmettre non seulement son champs mais aussi le principe qui permettra à ses enfants de ne pas mourir de faim.
Quand Axel Khan publia au mois de mars « Et le bien dans tout çà ? » il savait déjà que ce serait son dernier ouvrage et qu’il y transmettait ses ultimes vérités. Attendant la dernière limite pour dévoiler la réalité de son état, il nous montre qu’il meurt comme il a vécu – en luttant pour la morale.
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