lundi 3 mai 2021

Que vaut l’esprit opposé à la matière ? – Chronique du 4 mai 2021

Bonjour-bonjour

 

Les déboires électoraux de Narendra Modi, premier ministre de l'Inde, qui interviennent dans le sillage de la catastrophe humanitaire et sanitaire dûe à la deuxième vague de la pandémie, expriment fortement la revendication permanente du peuple indien qui tient ses dirigeants pour responsables de la flambée de la maladie. D’ailleurs on voit que partout en occident, les résultats obtenus dans la lutte contre la covid sont portés au crédit – ou au discrédit –  des dirigeants en poste, au point qu’en France la campagne électorale 2022 a bien du mal à se lancer sur des thèmes strictement politiques : on verra bien quand l’épidémie sera vaincue – si elle l’est un jour.

Mais dans le cas de  l'Inde il y a plus : monsieur Modi s’est transformé au durant les mois passés en une sorte de gourou à longue barbe blanche. « Il faut savoir que dans la culture hindoue, une longue barbe blanche est associée au sage philosophe ou sadhu. Certains commentateurs se sont hasardés à comparer le nouveau look de Modi à celui du poète Rabindranath Tagore, figure majeure de l’Inde, comme si le premier ministre voulait s’aligner sur les grandes icônes politiques et philosophiques du pays pour façonner sa propre figure historique. » écrit Sophie Landrin correspondante du Monde. 

  


A gauche : Narendra Modi lors de sa première élection ; à droite aujourd’hui

 

Selon Gilles Verniers (professeur de science politique à l’université Ashoka) cela vise à le placer au-dessus de la sphère politique. « Il est passé de l’homme infaillible, du PDG de l’Inde, à l’image du sage hindou », celui qui oriente la vie morale et spirituelle des gens et qui domine la vie matérielle du pays sans avoir à y toucher. Comme le roi du temps de Louis Philippe, le maitre de l’Inde règne mais ne gouverne pas. 

On voudrait bien que le ridicule de cette posture ne concerne que les chefs soi-disant charismatiques dont l’autorité n’est qu’une bulle de savon qui éclate au moindre souffle d’air. Mais on voit bien que les chefs religieux eux-mêmes font profil bas devant la maladie – voyez le Pape : a-t-il recommandé de remplacer le vaccin par des prières ?

Le pire, c’est qu’on est poussé à généraliser cette observation : que vaut la force de l’esprit quand elle s’oppose à celle de la matière ?

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