dimanche 2 mai 2021

Restons correct ! – Chronique du 3 mai

Bonjour-bonjour

 

Si vous voulez restez correct alors n’appelez surtout pas un chat, un chat, comme le suggère Françoise Nore dans son livre (Françoise Nore : Appelons un chat, un chat ! Publié aux éditions de l’Opportun).

On trouvera dans cet ouvrage (dont les premières pages sont consultables ici) la description des mécanismes parfois surprenants de l’euphémisme tels qu’on les découvre dans la communication (en particulier politique). On y apprendra aussi que les modifications des expressions usuelles ne sont pas seulement des préciosités : elles finissent par instituer une véritable police de la pensée, et les éditorialistes qui ont récemment osé utiliser le mot « nègre » l’ont payé cher, nous nous en étions fait l’écho. Ces remarques débouchent sur un rapprochement avec la novlangue, dont la sinistre fonction nous menace plus que jamais ; l’autrice va comme on le voit bien au-delà de la traditionnelle dénonciation de la langue de bois. (1)  

 

Bref : sans revenir sur les aventures du langages qui relèvent de la volonté de former des chapelles intellectuelles, un peu comme les Précieuses ridicules de Molières, nous nous interrogerons sur la capacité de la censure imposée au langage d’opérer également sur notre pensée. La pensée est-elle inconsciente au point que les mots qui la formulent la conditionnent étroitement ? Les mots ont-ils un sens que nous ne choisissons pas et ne pensons-nous que dans les mots ? Autrement dit, l’intention ne suffit-elle pas à donner au mot la signification originale liée à cette circonstance ?

- Je prendrai un exemple glané dans une interview de Jean-Jacques Bourdin récemment consacrée à Marlène Schiappa venue justifier les sanctions prises contre les supporters de football accusés de pousser des injures homophobes. 

On trouvera ci-dessous l’échange un peu paraphrasé : on écoutera l’original ici (c’est à 0’50)

Jean-Jacques Bourdin : Quand les supporters crient « enculé » à l’arbitre  ce n’est qu’une injure sans plus. Pourquoi y voir de l’homophobie ?

Marlène Schiappa : parce qu’un « enculé » est un homosexuel passif, c’est celui qui est pénétré lors de l’acte.

J-J B (stupéfait) : Ah bon ? Vous croyez ? quand un conducteur irrité crie « Enculé » à un autre, c’est cela qu’il veut dire ?

M S (péremptoire) : Absolument. D’ailleurs vous remarquerez que l’on ne cherche pas à humilier ceux qui pratiquent ces rapports sexuels entre hommes (comme on le voit dans les prisons), mais seulement ceux qui les subissent. 

(Je passe la suite, d'ailleurs écourtée pour permettre à J-J B de prendre une bouffée de Ventoline)

 

Voilà où nous en sommes : faut-il dire comme Marlène Schiappa que nous pensons toujours dans la sphère du langage, là où la police des mots peut intervenir ; ou bien comme Jean-Jacques Bourdin que les mots n’ont pas de sens mais seulement des emplois (citation approximative de Wiggenstein) ?

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(1) Rappelons cette définition de la « novlangue », terme issu du roman de Georges Orwell 1984 : « C'est une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l'expression des idées potentiellement subversives et à éviter toute formulation de critique de l’État, l'objectif ultime étant d'aller jusqu'à empêcher l'« idée » même de cette critique » Art. Wiki. (On lira la définition donnée par le roman en note 1 de cet article)

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