lundi 25 juillet 2022

Mourir en bonne santé – Chronique du 26 juillet

Bonjour les vieux !

 

Parmi vous, il y en a qui espèrent vivre indéfiniment à condition de bien se soigner, de prendre les bons médocs et de bien se couvrir quand il fait froid.

À tous ces Mathusalem en puissance je conseille de lire cet article. Ils y apprendront ceci : « Quand bien même la médecine serait en mesure de guérir tous les cas de maladies cardiovasculaire /ou autres/, notre durée de vie moyenne n'en serait que peu augmentée : de 1,5 an seulement. » Autrement dit notre mort ne résulte pas seulement de ces maladies, mais aussi principalement de la sénescence de notre organisme. Quand on est vieux, on peut mourir en bonne santé.

 


Illustration article cité


- Voilà qui est bravement dit : seulement, dire que le vieillissement est dû à la sénescence de nos cellules, c’est une pure et simple tautologie, un peu comme de parler de « la vertu dormitive de l’opium » (1). 

Aujourd’hui on explique que le vieillissement résulte des ratées qui accompagnent inexorablement la vie. Sans qu’il y ait dans notre organisme une « obsolescence programmée », il y a quand même de l’entropie, quelque chose comme le « bruit » qui accompagne la réplication longuement poursuivie de l’information contenue dans les cellules. Celle-ci se perdrait un peu comme la copie de copie indéfiniment poursuivie ferait qu’à terme l’image sortie de la photocopieuse serait illisible.

D’accord – Mais alors on ne vieillirait que de façon accidentelle, on vieillirait « pardessus le marché » pour reprendre la formule de Sartre à propos de la mort ?

 

- Comprenons bien ce qui se dit ici : en amont des phénomènes liés au vieillissement, il en existe un qui est la seule et unique cause de tous les autres. Son nom : le dérèglement ou « bruit » épigénétique. L’analyse en est claire mais un peu complexe : on la trouvera dans l’article en question. Il en découle qui, si le vieillissement n’est pas du tout une maladie, il n’en est pas moins aberrant. Pour le comprendre il faut remonter aux racines de la génétique : le génome est identique qu’elle que soit la cellule de l’organisme ; on pourrait cloner un être humain à partir d’une cellule de son cœur aussi bien qu’à partir d’un bout de ses cheveux. Il n’est donc pas suffisant pour expliquer l’existence de l’organisme formé de milliards de cellules fortement différenciées. On doit alors faire appel à l’épigénie, qui désigne l'ensemble des mécanismes biochimiques qui modifient l'expression des gènes tout en laissant inchangés les gènes eux-mêmes. C’est le seul épigénome qui, par le truchement de régulateurs, confère aux cellules leur identité propre et qui maintient cette identité au fil de leurs divisions. Et c’est ça qui produit le « bafouillage » dans la duplication indéfinie de nos cellules, ainsi que le dit l’auteur de l’article (2)

 

- C’est bien bon, mais je fais quoi, moi, avec tout ça ? Est-ce que je peux espérer ne plus avoir à craindre la mort ?

- Peut-être bien. Car si on lie le vieillissement et la mort à l’entropie (n’oublions pas que comme la vie, l’entropie est liée au temps, à son écoulement et à son irréversibilité), alors on doit s’en réjouir.

- Pourquoi donc ?

- Parce que l’entropie est une donnée statistique : elle n’est donc pas une loi de la physique. Il se pourrait bien qu’elle soit contredite sans que l’édifice de l’univers s’écroule.

- Je pourrais vivre plus longtemps que Jeanne Calment sans que la génétique en soit bouleversée ?

- Bien sûr. Tout le problème est que ça ne se produit jamais et qu’on ne sait pas comment y arriver.

-------------------------------

(1) Cf. Molière Le malade imaginaire, 3ème acte

(2) « Cette lecture-interprétation du génome est tout aussi essentielle que le génome lui-même : toutes les cellules de notre corps - nerveuses, cutanées, rénales, hépatiques... - partageant le même génome, c'est le seul épigénome qui, par le truchement de régulateurs, confère aux cellules leur identité propre et qui maintient cette identité au fil de leurs divisions successives. Que ce soit in utero ou dans les premières années, voire les premières décennies de vie, le système est parfaitement bien réglé. Le pianiste joue sa partition, sans (trop de) fausses notes. Mais, arrivé au troisième ou au quatrième mouvement du concerto, la fatigue se fait ressentir : les doigts naguère virtuoses multiplient les couacs ; le bruit épigénétique finit par couvrir la mélodie. On vieillit. » Yan Verdo, article cité

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire