dimanche 13 juin 2021

La guerre des saucisses – Chronique du 14 juin

Bonjour-bonjour


Ce titre accrocheur (qui n'est pas de moi mais de BFMTV)  désigne la polémique entre Emmanuel Macron et B­oris Johnson à propos du contrôle des marchandises entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du nord qui bloque les produits périssables comme les saucisses. Boris Johnson estime que cela revient à interdire la vente de saucisses de Toulouse à Paris. A quoi le Président français a rétorqué que "Paris et Toulouse font partie du même pays", ce qui, selon les britanniques laisse entendre que l'Irlande du Nord ne ferait pas partie du Royaume-Uni.  L'entourage du président français a cherché à désamorcer la polémique en assurant que le Président avait employé non pas le terme de « pays » mais celui de « territoire ». Bref, tout cela tournerait autour d'une subtilité qui aurait échappé au traducteur anglais : il n'y aurait pas lieu de se faire la guerre, en tout cas pas pour des saucisses.

Reste quand même que cet imbroglio est plus sérieux que cela - et même qu'il relève d'une contradiction qui consiste à établir une frontière entre le Royaume-Uni et l'Europe-Unie sans couper l'Irlande du nord ni de l'île de Grande-Bretagne ni de la République d'Irlande.

Cette complication ne résulte pas seulement des tractations qui ont abouti au traité du Brexit ; elle souligne aussi - et principalement - le paradoxe inhérent au concept de frontière, tel que résumé par cet article du CNRTL : « Frontière : toute espèce de barrage, défense, obstacle que l'on peut ou doit franchir. »

A la fois obstacle et point de passage, la frontière est nécessairement l'aboutissement de négociations entre les deux Etats qu'elle sépare. Elle peut certes être fermée et constituer une barrière sans aucun point de passage ; mais dans ce cas elle n'est justement plus une frontière puisqu'elle exclut les relations entre les deux pays qui la bordent.

Voyons le cas qui nous préoccupe aujourd'hui : il n'y aurait théoriquement aucun inconvénient pour l'Europe à imposer une frontière terrestre stricte entre l'Irlande du Nord et celle du Sud ; sauf que dans ce cas la guerre entre les deux Irlandes se rallumerait aussitôt. L'Union Européenne qui souhaite protéger ses Etats membres ne peut imposer une telle situation qui serait désastreuse pour un des Etats qui la compose. Il faut donc que la frontière soit poreuse sans cesser d’exister : là est le dilemme que les diplomates n'ont pas encore réussi à trancher.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire