mardi 29 juin 2021

En 2022, votez Hegel – Chronique du 30 juin

Bonjour-bonjour

 

Automobile : « l'arrêt des fonderies va malheureusement dans le sens de l'histoire », a déclaré Luca de Meo, directeur général de Renault après la liquidation la semaine dernière de la fonderie automobile de MBF de Saint-Claude (Jura). Les 300 ouvriers licenciés sont donc priés de s’incliner devant l’Histoire qui passe, et s’ils croient qu’on peut lui faire rebrousser chemin, ils n’ont qu’à relire Hegel, ils seront convaincus qu’ils font erreur. 

Car le concept de « sens de l’histoire », c’est Hegel : selon lui, le monde dans son ensemble suit une suite rationnelle d’évènements qui s’engendrent les uns les autres. Le point de départ a été lancé par une impulsion universelle (cf. infra note 1) que nous appelons histoire et qui n’est rien d’autre que cette suite nécessaire d’évènements qui contient chacun en lui les germes de l’avenir. De même qu’un effet ne peut ré-engendrer sa cause, on ne peut, renversant le cours du temps, à partir d’un moment présent revenir à son origine passée.

- Évidemment pas de « cours de l’histoire » sans « fin de l’histoire » c’est-à-dire de terme de l’évolution non réalisé mais déjà connaissable : le philosophe hégélien est ce petit malin qui est déjà installé dans le terme historique de l’évolution humaine et qui depuis sa fenêtre voir monter les époques jusqu’à lui. Ce que les gens ne savent pas, englués qu’ils sont dans leur présent, lui il en connait la vérité.

 

Ce que confirme Luca de Meo : « On ne peut pas d'un côté souhaiter arrêter les voitures à combustion dans 10 ans et de l'autre côté, se plaindre qu'il y ait certaines conséquences sur le système » (article référencé). Autrement les sacrifices d’aujourd’hui sont la condition du progrès de demain, c’est même lui qui leur donne une signification : les ouvriers licenciés aujourd’hui le sont pour permettre aux automobiles de continuer à rouler demain sans asphyxier la planète.

Bien sûr les syndicats ouvriers ne l’entendent pas de cette oreille : Pourquoi y aurait-il nécessairement des victimes ? S’il faut sacrifier les moteurs thermiques, faut-il pour autant sacrifier aussi les fonderies qui les fabriquent ? Pourquoi ne pourrait-on en même temps passer au moteur électrique sans licencier les ouvriers qui fabriquent les moteurs thermiques ? Notre Président-philosophe ne nous a-t-il pas enseigné qu’on pouvait en même temps faire ce progrès et éviter de sacrifier quiconque ?

C’est là que le philosophe regimbe : notre Président nous cache la vérité qu’il connait pourtant : pas de synthèse sans antithèse ; pas de positif sans travail du négatif. On ne fait pas évoluer les hommes sans crises, sans guerres, sans morts. Le sens de ces crises ne peut pas être compris par ceux qui s’y débattent mais seulement par ceux qui prenant du recul en mesurent les conséquences à l’aune de l’histoire universelle. 

 

- Alors, camarades fondeurs, écoutez ce qu’un véritable Président hégélien devrait vous dire : « Vous autres, ouvriers fondeurs, vous ne pouvez pas aller contre la fermeture de vos usines, et même vous devez la souhaiter. Oui, vous devriez vous réjouir de voir vos fonderies fermées, car elles incarnent un passé définitivement révolu. Et, heureux de ce licenciement, vous allez pouvoir vous recycler en fabriquant des moteurs électriques, des batteries, des ordinateurs de bord. »

 Dans les garages de demain, plus de clefs anglaises, plus de cambouis, plus de postes à souder – mais des techniciens jeans-baskets, qui tapotent sur leur clavier tout en mâchonnant leur pizza.

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(1) « Mais pourquoi l’Histoire a-t-elle un sens ? Parce qu’il y a une volonté des peuples. Je dirais une tendance, voir une pulsion des peuples vers l’auto-développement. Une volonté qui est initialement obscure elle-même, qui aura bien du mal à se déployer, à se réaliser, mais les peuples aspirent à la liberté. C’est cela qui fait démarrer l’Histoire puis qui la fait avancer. » Gilles Marmasse (lire ici)

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