mercredi 15 mai 2024

Le peuple néo-calédonien existe-t-il ? – Chronique du 16 mai 2024

Bonjour-bonjour

 

Certains déplorent que le calme établi depuis 40 ans en Nouvelle-Calédonie soit rompu avec les émeutes de ces jours-ci. On peut certes se demander si ce calme était véritablement authentique, mais on peut aussi s’étonner qu’il ait été rompu à l’occasion d’une modification du code électoral néo-calédonien visant un « dégel » : « Le mois dernier, des milliers de personnes se revendiquant "loyalistes" avaient défilé pour étendre le droit de vote. Le gouvernement souhaite mettre fin au gel du corps électoral, adopté il y a 26 ans. Ce texte empêche toutes les personnes arrivées depuis 1998 de voter. Gérald Darmanin souhaite y mettre fin. Le ministre de l'Intérieur y voit "une obligation morale pour ceux qui croient en la démocratie" » nous explique la presse. (Lue ici)


Ceux qui s'opposent à cette modification et qui ont défilé lundi dernier estiment que ce dégel réduirait l'influence du peuple kanak : s'il passe, « il éteindra la lutte du peuple kanak », prévient une manifestante. Les députés ont pourtant entériné cette décision hier en vue d’un vote en congrès à Versailles à la fin du mois prochain.

Autrement dit, alors que le peuple autochtone, qui s’estime le seul légitime, voit ses effectifs stagner, le reste de la population se développe par l’immigration, soit métropolitaine soit océanienne, minorant du même coup la place qu’il peut prendre dans les décisions votées par l’Assemblée de Nouméa.

On peut y voir une lutte d’influence dans le combat démocratique, les Kanaks s’estimant à titre de « peuple autochtone » le seul légitime pour exercer le pouvoir sur ce qu’ils estiment être leur territoire. Mais on peut y déceler aussi la fracture qui empêche le peuple néo-calédonien d’exister comme une entité souveraine. Car même dans l’hypothèse où la Nouvelle-Calédonie serait une fédération, il faudrait quand même que chacune de ses composantes soit unanime pour reconnaitre l’existence d’un État souverain au sein du quel ces différentes entités viennent prendre place : en démocratie, un État suppose toujours une unanimité inaugurale sans laquelle aucune décision ne peut être reconnue légitime. Nous acceptons d’obéir aux lois prise à la majorité parce que nous acceptons cette légitimité. Si une région considère qu’elle ne peut plus faire partie du peuple souverain, alors elle doit faire sécession – ainsi de la Corse dont les indépendantiste cherchent à rompre les amarres avec la « métropole » : définition d’un territoire sur lequel les lois de la République n’auraient plus cours ; reconnaissance de la langue corse comme langue officielle ; attribution de droits spéciaux aux autochtones ; corpus de lois conformes aux coutumes. 


- Bref : le peuple Néo-calédonien existe-t-il vraiment, ou bien faut-il admettre qu’il est scindé en deux – voire en trois – parties constituant autant d’entités souveraines ? Ce problème doit être résolu à Nouméa et non à Paris, sauf à prétendre que la France se comporte toujours comme une puissance coloniale.

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