lundi 13 octobre 2025

Gloire aux survivants – Chronique du 14 octobre

 

 

Soldats russes – 9 mai 2025

 

 Bonjour-bonjour

 

Voyez ces jeunes hommes photographiés à Moscou au défilé du 9 mai dernier : leur énergie est peut-être déjà éteinte, ensevelie dans la mort, comme celle de plus de 100000 de leurs compagnons, morts au combat durant ce début d’année 2025.

On lit en effet que « la Russie a subi en Ukraine au cours des huit premiers mois de l’année 2025 des pertes plus élevées que jamais. » Elle y aurait en effet perdu 281 550 soldats, soit dans le détail : 86 744 soldats tués depuis le début de l’année, auxquels s'ajoutent 33 966 portés disparus - plus 158 529 blessés et 2 311 capturés.

Mais nous ne sommes pas capables de penser cet anéantissement : le miracle de la vie est tel qu’on oublie les morts : ils ne sont plus là – pleurons-les et puis faisons la fête avec les vivants. Voilà ce que nous ont rappelé les images du retour en Israël des otages du 7 octobre survivants.

La vie continue… Oui, et son éternel retour est là pour nous en persuader. Si ces beaux soldats russes sont entrain de pourrir en terre, de nouveaux soldats ont déjà pris leur place. Qui voit la différence ?

« Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place ». Vous pourrez faire autant de monuments aux morts que vous voudrez : la régénération c’est la vie – mais c’est aussi l’oubli.

dimanche 12 octobre 2025

Sébastien Lecornu, le moine soldat – Chronique du 13 octobre

Bonjour-bonjour

 

Le nouveau gouvernement est en place ; la question que je pose est, non pas « avec qui ? », mais « qu’en pensent les gens ? » Autrement dit : saisir le reflet de cet évènement sur le contre-champs, dans l’opinion que les citoyens ont des hommes et des femmes qui nous gouvernent.

Et là, pas d’équivoque : alors que Sébastien Lecornu gagne 11 points d'opinions favorables en un mois, la popularité des ténors de l'ex-socle commun – Edouard Philippe, Gabriel Attal, Bruno Retailleau, Gérald Darmanin – est en forte baisse (voir ici). L’idée est que le Premier ministre apparait comme un homme de bonne volonté, qui est sans ambition politique personnelle, et qui s’efforce de « faire le travail » qui est de mettre sur pied un gouvernement qui va assurer la vie quotidienne des français – alors que d’autres sont perçus comme des gens qui par ambition personnelle ont refusé de le faire voire même ont empêché d’autres de le faire.

- C’est une image réaliste de la politique qui se dessine dans l’esprit des français : l’homme politique n’est pas celui qui chante la gloire du pays, ni qui apporte des plans de combats pour atteindre des lendemains qui chantent. Non : l’homme politique c’est comme le jardinier que j’ai embauché pour faire mon jardin : qu’il s’y prenne comme il veut, mais qu’il fasse le job. Je ne l’ai pas embauché pour qu’il me chante des barcaroles.

Sébastien Lecornu a bien compris ça, en se définissant comme un « moine soldat », en allusion à ces religieux du 12èmesiècle qui combinaient cet engagement avec le service militaire ou hospitalier (les templiers, par exemple.) Ce terme est aujourd’hui usité pour désigner des gens durs au mal et prêts à remplir leur mission en toute circonstance.

On me dira que le RN quand à lui gagne toujours des points d’opinion favorable, même dans cette crise où il est du côté des incendiaires qui poussent à l’apocalypse ; c’est que ce parti n’a jamais dit qu’il allait assurer maintenant la survie des français, mais seulement qu’il le ferait dans un monde postapocalyptique. 

Pour lui, pousser à la dissolution-démission c’est justement ça faire le taf.

samedi 11 octobre 2025

M. Lecornu : l’homme qui démissionne plus vite que son ombre – Chronique du 12 octobre

Bonjour-bonjour

 

Je viens de faire un rêve étrange : il faut que je vous raconte ça.

 

C’est une scène qui ressemble à une séquence de western. Il s’agit d’un petit train qui ressemble justement à ceux qui font « tchou-tchou » dans les vieux films du Far-West. 

Il avance sur une voie escarpée, à flanc de montagne au bord d’un ravin avec un dénivelé d’au moins 150 mètres. Soudain il s’arrête : un éboulement rocheux sur la voie, sans doute provoqué par des bandits qui se ruent sur le train : voici que réunissant leurs forces ils poussent le train qui bascule dans le vide et va s’écraser tout en bas du cañon.

Mais que se passe-t-il ? Voici qu’avec des cris d’effroi tous les bandits sautent dans le vide et vont s’abimer sur l’épave du train : ils ont été poussés dans le ravin par le 22ème de cavalerie qui vient tout juste d’arriver.

 

 


Étrange ce rêve ? Oui, mais pas tant que ça : l’actualité politique en est sans doute l’origine. Décryptons :

- Le train c’est le gouvernement, difficilement mis sur les rails par un Premier Ministre qu’on sait exposé à la censure des députés ;

- Les bandits qui poussent à la catastrophe, ce sont justement les députés qui n’ont de cesse de provoquer une crise politique sans précédent ;

- Mais le 22ème de cavalerie, c’est la constitution, manœuvrée par le Président :  il dissout l’Assemblée renvoyant tous ces députés-naufrageurs devant leurs électeurs qui vont ce jour-là préférer la pèche à la ligne à la fréquentation des urnes.

 

Voilà pourquoi mon rêve risque bien de ne pas se réaliser ; le scénario de mon Western sera sans doute que le train arrivera à bon port.


vendredi 10 octobre 2025

Viol et consentement : une question d’intersubjectivité – Chronique du 11 octobre

Bonjour-bonjour

 

- Qu’est-ce qu’un viol ? Le droit, comme l’usage courant, le situe exclusivement dans le domaine sexuel. Il s’agit d’imposer une pénétration au corps de l’autre qui devient par cet acte un simple objet à supposer que son consentement n’intervienne pas. Certes la sexualité peut impliquer de prendre le partenaire comme un objet (par exemple un réceptacle dans l’acte sexuel) ; mais ce n’est pas pour autant un viol si celui-ci assume cette situation.

- Plus précisément : on met au centre de la définition du viol la notion de consentement, acte par lequel un sujet accepte d’être utilisé comme objet – l’être humain dispose de la faculté de ne pas être réduit à n’être qu’un objet grâce à un acte de sa volonté. C’est ainsi qu’un sujet reste un sujet alors même que son corps est utilisé par autrui comme moyen de jouissance – ou de satisfaction d’un besoin quelconque.

Bien – Ajoutons quand même que cette situation par la quelle je me définis comme sujet au sein d’une relation avec autrui suppose évidemment deux personnes qui interagissent. Le viol ou le consentement sont des positions qui requièrent l’intersubjectivité. Tout seul, devant mon clavier, je n’ai pas la possibilité de m’affirmer comme consentant, et je ne risque bien sur aucun viol.

Maintenant demandons-nous si le viol n’est pas simplement la forme prise par la relation intersubjective dans un cas spécial, celui de la relation sexuelle.

Car comme on le voit chez Sartre, autrui a un pouvoir redoutable, celui de me réduire à n’être pour lui qu’un objet, niant par-là ma position de sujet conscient. On connait l’exemple donné dans l’Être et le néant du monsieur qui regarde par le trou d’une serrure et dont l’intention est figée dans la curiosité honteuse par la venue d’un témoin imprévu : sous le regard d’autrui je ne suis que cette personne penchée sur le trou de la serrure. Tout comme dans cet exemple, le viol serait alors le fait de réduire autrui à n’être qu’un objet – ici un moyen « matériel » d’assouvir un désir sexuel.

jeudi 9 octobre 2025

Le droit ne lui suffisait pas – Chronique du 10 octobre

 


Bonjour-bonjour

 

« À son ombre, nos chefs d’aujourd’hui paraissent  encore plus petits. »

Cette phrase se promène dans ma tête depuis mon réveil, fabriquée par mon esprit le plus profond, celui qui ne s’éveille que pendant la nuit. Inspirée par la cérémonie de « panthéonisation » de Robert Badinter, elle résulte du cruel décalage entre l’homme qu’il fut à la tribune du Palais Bourbon et les rumeurs de chahut indigne qui accompagnent la moindre déclaration politique. La comparaison est cruelle avons-nous dit, mais elle ne suffit pas.

Robert Badinter est un de ces hommes (comme de ces femmes) qui porte en lui une autorité morale, qui dépasse tout ce que la position sociale peut donner comme ascendant.

Difficile de le démontrer sauf à demander d’écouter ses paroles lorsque le 17 septembre 1981 il commença son discours ainsi : « j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France. »

Depuis on a dû sanctuariser cette abolition en l’inscrivant dans la Constitution : c’est qu’en permanence (et aujourd’hui encore), les victimes crient vengeance et les bourreaux restent prêts. C’est que les raisons ne manquent pas, à commencer par l’idée que la mort vient couronner l’échelle des sanctions. Comme si détruire judiciairement une vie pouvait être distingué de l’assassinat. La chanson de Julien Clerc sur la parvis du Panthéon le disait bien : on assassine l’assassin.

Démontrant que le droit ne suffisait pas, Robert Badinter est allé jusqu’à invoquer la valeur fondamentale de la personne humaine, que rien ne pourrait faire disparaitre alors que pourtant on s’arroge le droit de la supprimer. Pour faire entendre la force de cette valeur, il fallait l’incarner par une grâce inexplicable mais qu’on retrouve chez certains humains, hommes comme femme. Je pense que Simone Veil en faisait partie ; et je pense que beaucoup d’autres personnes l’incarnent aussi ; des personnes qui n’ont presque pas besoin de parler, tant leur visage exprime cette force morale. On parlait autrefois d’aura– bien mystérieuse, mais c’est une façon de désigner ce qui se passe alors.

Oui, nos chefs politiques sont ridiculement petits face à cela – mais ne leur demandons pas d’incarner une puissance morale, tout le monde ne possède pas ce don ; mais qu’au moins ils laissent au premier rang ceux qui, parmi les leurs, la possèdent.

mercredi 8 octobre 2025

La roche Tarpéienne est proche du Capitole – Chronique du 9 octobre

Bonjour-bonjour

 

La valse des ministres de plus en plus éphémères (certains n’ont duré pas plus d’une demi-journée) a fait dire à certains « La roche Tarpéienne est proche du Capitole »

 


Le Capitole et la roche Tarpéienne (flèche)

 

- Lieu d’exécution capitale pendant l’Antiquité, c’est de là qu’étaient précipités, jusqu’à la fin de la République romaine, les criminels et en particulier ceux qui se rendaient coupables de faux témoignage et de haute trahison – dont les dignitaires politiques. La roche Tarpéienne est en effet, comme on le voit sur cette image, tout à fait voisine du Capitole (lieu d’exercice du pouvoir à Rome).

« Cette expression est généralement employée pour signifier qu’après les honneurs, la déchéance peut venir rapidement, ou plus spécifiquement pour mettre en garde sur le fait que la meilleure façon de faire tomber quelqu'un, vers une chute mortelle, est de commencer par l'inviter à monter le plus haut possible. » (Art. Wiki)

On comprend en effet que plus haut on s’élève et plus dure sera la chute. On note aussi que chez les romains, ceux qui avaient manqué aux devoirs de leur fonction ne risquaient pas de récidiver.

Mais on oublie généralement que le sens de cette formule va plus loin. Sachant les risques que comportent les hautes responsabilités, on peut faciliter l’accès d’un ennemi à celles-ci dans le seul but de hâter sa chute. 

--> Imaginez que, par la dissolution de l’Assemblée Nationale on puisse provoquer une cohabitation et faciliter ainsi l’accès au pouvoir du Rassemblement Nationale avec pour premier ministre le jeune Jordan Bardella. Manœuvre habile dans la mesure où, avant les élections présidentielles de 2027, ce nouveau premier ministre aurait le temps de décevoir ses électeurs et de voir se mobiliser contre lui des flots de français mécontents.

Pousser ses ennemis vers le bord du précipice : voilà une tentation bien grande pour qui possède encore pour quelque temps les clefs du pouvoir.

mardi 7 octobre 2025

Qu’est-ce qu’il y a après le virage ? – Chronique du 8 octobre

Bonjour-bonjour

 

Les médias internationaux ont, pour parler de la situation politique française, tous le même mot : le chaos. Ce mot évoque un désordre tel qu’aucune prévision ne peut être faite. Sur un terrain chamboulé par un séisme quelconque, chaque parcelle ne m’apprend rien de ce que je vais trouver un peu plus loin. Quand, remontant de la mer vers la terre, le sable de la plage devient de plus en plus grossier, je peux légitimement m’attendre à trouver des cailloux, puis de la terre, puis des prairies - ici rien ne me permet de deviner ce qui va se présenter. On dirait de la même façon que les politiciens actuels naviguent en plein brouillard ou encore qu’ils ne peuvent deviner ce qu’il y a après le virage.

 


Cette métaphore du virage me plait bien : que va-t-il arriver demain ? Une dissolution ? Une démission ? Ou « seulement » un virage à gauche avec suspension de la réforme des retraites ? Qui le sait ? La politique est affaire de prévision, on doit pouvoir juger que tel évènement, compte tenu du contexte, aura telle ou telle probabilité d’arriver et on peut se préparer à une réaction appropriée. Ici, rien de tel.

- Mais le chaos évoqué comporte un élément de plus. Ce n’est pas la même chose de dire « On navigue en plein brouillard » et « C’est le chaos » : dans le premier cas le monde normal existe toujours il est simplement pour le moment invisible. Dans le second c’est le monde en lui-même qui est bouleversé : son évolution est imprévisible parce qu’aucune loi ne peut s’appliquer à lui.

- Est-ce le cas ? Elisabeth Borne a semé le doute en disant que selon elle on pourrait suspendre la réforme des retraites et donc ouvrir à un gouvernement de cohabitation avec la gauche : ce ne serait pas un bouleversement total, puisqu’au cours de la récente histoire on a eu la cohabitation Chirac/Jospin. Par contre la dissolution ou la démission du Président ouvrirait sur un virage beaucoup plus radical : une présidence et/ou une chambre résolument acquise au RN. Là encore ce ne serait pas le chaos, puisqu’on devine ce que la France deviendrait : au mieux l’Italie de Giorgia Meloni.

En fait l’imprévisibilité vient de ce qu’on ne sait de quel côté va pencher la balance : vers la gauche, vers la droite, ou vers le populisme ?

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N.B. Il existe un poème de Fernando Pessoa consacré à ce virage. Le voici : 

Peut-être, au-delà du tournant de la route

y a-t-il un gouffre, et peut-être un château fort,

Et peut-être tout bonnement la continuation de la route.

je n’en sais rien et je ne pose pas de questions.

Tant que je marche sur la route avant le tournant,

je me contente de regarder la route avant le tournant,

puisque je ne peux voir que la route avant le tournant.

Je n’en serais pas plus avancé si je regardais de l’autre côté

Et de celui que je ne vois pas.

N’ayons cure que du lieu où nous sommes.

Il est assez de beauté dans le fait d’être ici et nulle part ailleurs.

S’il y a quelqu’un au-delà du tournant de la route,

Ceux qui s’inquiètent de ce qu’il y a par-delà le tournant de la route,

C’est cela qui pour eux est la route.

Si nous devons y parvenir, en y parvenant nous saurons.

Pour l’instant nous savons seulement que nous n’y sommes pas.

Il n’est ici que la route avant le tournant, et avant le tournant

Il y a la route sans aucun tournant.

(Fernando Pessoa)

lundi 6 octobre 2025

Shein et Temu : le péril jaune – Chronique du 7 octobre

Bonjour-bonjour

 

Attention ! Aux Galeries Lafayette de Reims, Shein débarque et avec lui « La surconsommation à son paroxysme »

 

- « Robe à 10 euros, jouets et décorations pour enfants à prix cassés, miroir à 1 centime, changement de catalogue tous les jours... » (voir ici) : le magasin Shein n’en finit plus de grimper dans les classements internationaux des commerces en ligne en tant que leader incontesté. 

Maintenant voici que ne se contentant plus de la vente en ligne il aborde le commerce en boutiques traditionnelles – et pour commencer au BHV-Paris et aux Galeries Lafayette en région – dont le magasin de Reims (qui a déjà cédé tout un étage au Furet du Nord)

Je relève dans l'article cité (qui a fait écho à la récente diffusion par M6 d'un numéro de "Capital" consacré aux géants chinois du e-commerce Shein et Temu), une analyse détaillée des raisons du succès de ces enseignes, à commencer par l’exploitation des mécanismes de la surconsommation générée par le commerce en ligne.

 

- Autrefois, on craignait ce qu’on appelait « le péril jaune », imaginant par là une foule de petits hommes jaunes s’infiltrant partout chez nous et détruisant notre civilisation en nous imposant leurs coutumes barbares.

Ridicule ! Les chinois n’ont pour nous battre qu’à employer les forces que nous générons nous-mêmes et qui ruinent d’abord notre civilisation et ensuite nos vies. L’article cité évoque ainsi le phénomène : développer à outrance la dépendance aux effets d’achats compulsifs sur notre cerveau – via la production et la consommation d’adrénaline ; indifférence aux effets dévastateurs sur l’environnement et sur les sociétés qui imposent à leurs membres, y compris les jeunes enfants, des conditions de travail inhumaines pour maintenir à la production très bas coût.

- On se doute que les chinois sont les premières victimes de Shein et de Tenu (sans parler de Free et autres entreprises américaines) ; mais on se dit que ce n’est peut-être qu’un malheur de plus dans un pays qui a connu la famine atroce et les millions de morts du « Grand bond en avant ».

Tandis qu’au sein du cocon soyeux des Galeries Lafayette, ça stupéfie

 


Les Galeries Lafayette de Reims

dimanche 5 octobre 2025

Aux Etats-Unis la santé a un prix – Chronique du 6 octobre

Bonjour-bonjour

 

Lu ce matin ceci :« Aux Etats-Unis, en l’absence de système public, les habitants du pays sont livrés au monopole du marché privé. Cotisations en hausse, mauvaise couverture, prix des médicaments totalement « libres » : se soigner sans se ruiner devient une angoisse nationale. » (Article ici)

 

Récit : « Elle attendait le courrier avec nervosité. Elle savait qu’à l’intérieur se trouverait une facture mais elle en ignorait le montant. Depuis son installation aux États-Unis, Marie avait appris qu’y être malade relevait parfois de la roulette russe, même avec une assurance. C’était le point qu’elle soulevait en premier lorsqu’on l’interrogeait immanquablement sur les différences entre son pays d’adoption et celui dans lequel elle a passé les vingt-cinq premières années de sa vie, la France.

Quelques jours plus tôt, saisie d’une nouvelle crise, elle avait appelé une ambulance qui était venue la chercher dans l’école où elle enseigne et l’avait conduite dans un hôpital agréé par son assureur. Dans la salle d’attente, la trentenaire avait dû répondre à la question d’une secrétaire : « Avez-vous les moyens de payer ? » Percluse de douleurs, elle avait répondu d’un ton agressif. En France, on lui demandait sa carte Vitale. Ici, la carte bleue. ... »

 

- J’ai cité ce cas dans sa longueur parce que ce récit est le plus clair qui soit : même si en France le système des dépassements d’honoraire met également la carte bleue sur le comptoir du centre de soins, ce n’est pas l’obligation absolue et souvent on peut y faire face grâce aux « complémentaires ». En tout cas, les soins de santé pour tous font partie du contrat social. Il est hors de question que quiconque meure faute d’avoir eu les moyens de recevoir les soins qui auraient pu le sauver.

Je crois en effet que chaque pays a son contrat social, qui comme chez Rousseau n’a jamais été discuté et jamais souscrit effectivement, mais sans l’adhésion duquel la vie d’un peuple ne pourrait continuer. Ça pourrait être le respect des dogmes d’une religion, la place de chacun dans le groupe familial, la justice implicite des échanges sociaux, etc.

En France on ne supporterait pas sans scandale qu’un miséreux meure faute de soins devant la porte d’un hôpital. C’est comme ça.

samedi 4 octobre 2025

Prise / Emprise / Déprise – Chronique du 5 octobre

 Je chronique ici la récente publication de « La Déprise », un ouvrage de Clotilde Leguil publié aux éditions du Seuil.

 

Bonjour-bonjour



- En amour il ne suffit pas de dire « Non ». Il faut aussi entrer dans un processus de « déprise » qu’on décrit comme le fait de retrouver son autonomie, cesser de dépendre d'autrui ou du moins réduire la vulnérabilité que l'on entretient avec telle ou telle attache.

Clotilde Leguil explique que la déprise est l'expérience par laquelle on diminue en soi l'intensité d'une pression constante. Pour y parvenir il faut savoir que la déprise s’intègre dans un processus progressif, où se succèdent une prise, donc un geste de capture ; puis une emprise, qui traduit l'impossibilité de désobéir à ce qui survient ; et enfin la déprise ou rupture, qui évoque un arrachement – « sortir d'une fascination, rompre avec un narcissisme collé à des images ou des modèles » selon l’autrice. 

- Dans ce processus le consentement qui accompagne la prise s’inscrit dans une temporalité longue : la rencontre amoureuse est une prise progressive, et de même la séparation suppose une déprise qui exige également un temps long.

C’est que l'amour n'est pas seulement affaire de consentement à l'autre, mais aussi de consentement à soi : peut-on, en effet, tomber amoureux sans s'interroger sur son propre être ? Aimer, c'est finalement consentir à se reconnaître comme sujet transformé par la relation. J’ai eu l’occasion d’expliquer (ici) la thèse d’Alain Badiou pour qui l’amour est l’invention d’un monde-à-deux. On comprend que la déprise exige une longue transformation symétrique.

 

- Clotilde Leguil applique son analyse aux emprises multiples telles qu’en comportent la politique ou le monde du star-système. Dans tous ces cas, dans ces emprises se trouvent mêlés le désir et la jouissance c'est-à-dire une autorité qui ne relève pas de la loi, force d'attraction à laquelle on cède – et à laquelle il est d'autant plus difficile de désobéir.

vendredi 3 octobre 2025

Peut-on assassiner Dieu avec un colt ? – Chronique du 4 octobre

Bonjour-bonjour

 

La guerre des étoiles, version Far-West : vous êtes spationaute, sorti de votre vaisseau, vous tirez votre révolver de votre poche de combinaison spatiale, et vous tirez. Supposons qu’il ne s’agisse pas d’un pistolet-laser, mais d’un bon vieux colt.

 

Que se passerait-il ?

- Dans le vide spatial votre balle conserverait sa vitesse initiale et continuerait à se déplacer jusqu’à ce qu’elle heurte quelque chose, comme un astéroïde ou une planète. Bien sûr selon la 3ème loi de Newton, le tireur partirait dans la direction opposée à la balle, à vitesse égale et donc indéfiniment. 

--> Mais peu importe : supposons encore qu’il ait tiré par conviction anarchiste. Il veut assassiner Dieu coupable selon lui des souffrances endurées par les hommes.

- Dieu étant une entité impliquant l’infini on suppose qu’il faudrait que la balle de révolver aille frapper sa cible à l’infini. Est-ce pensable ?

Hé bien oui, car selon Matija Cuk, astronome à l’Université de Harvard, « La balle ne s’arrêterait jamais, car l’Univers se dilate plus vite que la balle. » (Lu ici) Même si Dieu recule en même temps que l’espace se dilate, il sera toujours menacé par ce projectile. Qu’Il ne s’arrête jamais de fuir !

Bon – tout ça est bien trop spéculatif pour intéresser un anarchiste qui se contente de crier, dressé contre le ciel « Ni Dieu ni maitre ! ». Mais supposez qu’il accompagne son cri d’un coup de feu tiré vers le firmament

 


On pourra se courroucer : abominable blasphème ! Mais justement : ces spéculations ont le mérite de montrer jusqu’où la créature est capable d’aller pour outrager son Créateur.

jeudi 2 octobre 2025

L’amnésie des fessiers – Chronique du 3 octobre

Bonjour-bonjour

 

Figurez-vous que ce matin, poursuivant une info un peu louche relatant la manie d’un animateur TV de mordre les fesses de ses collaboratrices (cf. ici), Google, suivant une logique obscure, me conduit droit vers cette stupéfiante information : il existe un syndrome de « la fesse morte ».

Bigre ! Risquons-nous de mourir par petits morceaux, à commencer par nos fesses ?

- Pas du tout ; lisant un peu plus loin, on trouve ceci : « le nom alarmant de « syndrome de la fesse morte », /ne signifie pas que/ votre postérieur … va mourir. Il fait référence au manque d’activité et de mouvement lors d’une position assise prolongée. Conséquences : vos muscles fessiers sont plus lents à s’activer et des douleurs peuvent apparaître. »

Bon – on pense alors que c’est une sorte d’ankylose et rien de plus. Mais non – cette information est beaucoup plus stupéfiante : il s’agit d’un syndrome, appelé également « amnésie des fessiers ». Selon le docteur Chris Kolba « l’amnésie fessière » se produit parce que « la position assise entraîne une surutilisation des fléchisseurs de la hanche et une sous-utilisation des fessiersAu fil du temps, le corps « oublie » comment activer correctement cette zone, ce qui entraîne une faiblesse et des douleurs associées »

 

Oui, vous avez bien lu : à force de rester assis de manière prolongée, notamment au bureau notre corps « oublie » l’existence de nos fesses, ce qui entraine des douleurs au niveau des fessiers ou du bas du dos.

Que faire ? Plus d’exercice ? Oui, bien sûr, mais vu la nature de cette pathologie, il y a également des précautions très spécifiques à prendre. Jane Konidis (spécialiste en médecine physique et en réadaptation) conseille de régler une alarme pour se lever « toutes les 30 à 50 minutes » et « tapoter doucement ses fesses du bout des doigts ». Cela permet de rappeler au cerveau que « ces muscles sont là ».

Là, je vous sens intéressé : s’adresser à son corps comme on parlerait à un ado un peu flemmard qui trainerait dans son lit à l’heure du lycée – ça nous parle. Mon corps est en réalité comme une petite famille dont les principaux organes doivent être stimulés à l’aide d’une mémoire qui nous alerte régulièrement. 

- Drrring ! C’est ton estomac. Il te rappelle qu’il est vide

- Tic-tac/Tic-tac : C’est l’heure d’aller dormir.

- Boum-bada-Boum: la voisine est à sa fenêtre – ça se réveille dans le calcif. Il faut prendre les dispositions qui s’imposent.

 

Je vous quitte : je vais faire le tour de mon corps pour voir si tout le monde est bien à son poste.

mercredi 1 octobre 2025

Capsule temporelle – Chronique du 1er octobre

Bonjour-bonjour

 

On vient de trouver sur un marché birman un fragment d’ambre qui contient le bout de la queue d’un dinosaure à plumes vieux de 99 millions d’années.

 

 


Contenu du fragment d’ambre, vu au microscope

 

On lira ici les détails de cette extraordinaire découverte, mais en allant jusqu’au bout de l’article on trouvera un scénario encore plus fantastique racontant la scène piégée dans l’ambre : « Le professeur Mike Benton évoque avec émotion cette reconstitution tragique : imaginer ce petit dinosaure se débattant pour libérer sa queue de la résine visqueuse, condamné à périr dans ce qui deviendrait sa prison éternelle »

On évoque alors la notion de « capsule temporelle » pour décrire ce que constitue ce fragment d’ambre. Et en effet, une capsule temporelle est « un conteneur scellé qui est destiné à être ouvert à une date ultérieure et qui contient des objets ou des messages d'une période particulière dans le temps » (def de Wiki). 

On devine que si ces objets sont porteurs d’un message, celui-ci doit pouvoir être identifié même dans un lointain futur. Ainsi ce petit animal qui aurait coincé sa queue dans de la glue et qui se débat pour échapper au piège qui le retient. D’ailleurs peut-être s’en est-il tiré si sa queue à craqué, un peu comme avec nos pièges à loup. Mais de toute façon, il est impératif que la situation évoquée dans la capsule temporelle soit susceptible d’être comprise dans un lointain futur, lors de son ouverture.

… D’où la question : supposons que vous fabriquiez une telle capsule pour signifier des évènements symbolisant votre existence, que pourriez-vous mettre ? Un ticket de parking ? Pas sûr que ça soit compris. Un chewing-gum ? Peut-être : rappelons qu’on a retrouvé un morceau d’écorce de bouleau portant des traces de dents, datant de plus de 10000 ans. On pense qu’on mâchait à l’époque de l’écorce de bouleau pour en extraire l’analgésique proche de l’aspirine qu’il contient.

Tentez le décapsuleur de bière.