mardi 23 janvier 2018

LE DROIT À LA BIENVEILLANCE DE L’ADMININSTRATION

« Le vaste projet de loi sur «le droit à l'erreur», qui se veut une nouvelle tentative de simplifier les démarches administratives pour les usagers, est arrivé ce mardi dans l'hémicycle avec plus d'un millier d'amendements au menu. » (Lu ici)
En lisant cela, on croit que tout est déjà résolu, et que la réglementation est seule concernée.
Et puis, poursuivant un peu, on arrive à cela : « Avec ce texte qui considère l'usager ou l'entreprise de bonne foi dans ses démarches, l'idée est que la «bienveillance», terme souvent mis en avant par les macronistes, «soit la norme», comme l'avait souligné le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. » En clair, avant de vous considérer comme un mauvais citoyen – voire même un escroc – l’Administration vous considèrera comme un simple crétin. D’où la « bienveillance».

Voilà donc bienveillance mobilisée, et avec elle toutes les ambigüités que la morale n’a cessé de relever.
            - D’abord, la bienveillance est une attitude, un comportement, mais aussi (tous les traités de morale le disent), une vertu : « Selon Hutcheson, le principe de la vertu dans l'âme, est la bienveillance... Il la définit ainsi : « Une affection qui vous porte à désirer le bonheur de notre prochain ». Cousin, Cours d'hist. de la philos. mod » (CNTRL).
« Un comportement » ? Que dis-je ? Une vertu plutôt. Et encore : pas seulement une vertu, mais le principe de la vertu de l’âme.

Et alors ? Pourquoi l’Administration française n’aurait-elle pas de la bienveillance donc de la vertu ? Pourquoi ne devrions-nous pas, à notre tour, éprouver pour elle ce genre de sentiment, au lieu de considérer les fonctionnaires comme des ronds-de-cuir qui ne pensent qu’à leur retraite ?
            - C’est aussi que la bienveillance est une attitude morale exclusive, qu’on éprouve à l’égard de personnes présentes dans notre entourage, qu’on voit, auxquelles on s’adresse personnellement. La bienveillance institue une morale à la seconde personne qui concerne certains – et pas d’autres, comme le proposerait la morale à la 3ème personne.

 Rêvons un peu : je me rends au service des impôts pour un arriéré dû à une déduction indue. Un bureau derrière le quel un employé au sourire dents-blanches, une chemise et une cravate élégantes, pas d’écran d’ordinateur mais un discret bouquet de fleurs et une photos de ses enfants. Le contrôleur me parle avec douceur et il m’enveloppe d’un regard bienveillant : « Cher monsieur, nous avons remarqué qu’il vous arrivait de déduire de vos revenus des frais professionnels auxquels vous n’avez pas droit, eu égard à vos fonctions d’employé de mairie – comme la location chaque mois d’un marteau piqueur et d’une fourgonnette de 12 m2. Nous croyons que vous vous êtes fourvoyé en rédigeant votre déclaration, mais qu’en aucun cas vous n’avez voulu tromper le fisc. Pour cette raison le redressement que nous vous appliquons ne comporte pas de pénalité, mais sachez-le bien, c’est parce que nous avons pour vous une particulière mansuétude, monsieur Dupont Robert, matricule XXXXX***. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire