« Le
vaste projet de loi sur «le droit à l'erreur», qui se veut une nouvelle
tentative de simplifier les démarches administratives pour les usagers, est arrivé
ce mardi dans l'hémicycle avec plus d'un millier d'amendements au menu. »
(Lu ici)
En lisant
cela, on croit que tout est déjà résolu, et que la réglementation est seule
concernée.
Et puis,
poursuivant un peu, on arrive à cela : « Avec ce texte qui considère
l'usager ou l'entreprise de bonne foi dans ses démarches, l'idée est que la «bienveillance», terme souvent mis en
avant par les macronistes, «soit la norme», comme l'avait souligné le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. »
En clair, avant de vous considérer comme un mauvais citoyen – voire même un escroc
– l’Administration vous considèrera comme un simple crétin. D’où la « bienveillance».
Voilà donc
bienveillance mobilisée, et avec elle toutes les ambigüités que la morale n’a
cessé de relever.
- D’abord, la bienveillance est une
attitude, un comportement, mais aussi (tous les traités de morale le disent),
une vertu : « Selon Hutcheson, le
principe de la vertu dans l'âme, est la bienveillance... Il la
définit ainsi : « Une affection qui vous porte à désirer le bonheur de notre
prochain ». Cousin, Cours d'hist. de la philos. mod » (CNTRL).
« Un comportement » ? Que
dis-je ? Une vertu plutôt. Et encore : pas seulement une vertu, mais le principe de la vertu de l’âme.
Et
alors ? Pourquoi l’Administration française n’aurait-elle pas de la
bienveillance donc de la vertu ? Pourquoi ne devrions-nous pas, à notre
tour, éprouver pour elle ce genre de sentiment, au lieu de considérer les fonctionnaires
comme des ronds-de-cuir qui ne pensent qu’à leur retraite ?
- C’est aussi que la bienveillance
est une attitude morale exclusive, qu’on éprouve à l’égard de personnes
présentes dans notre entourage, qu’on voit, auxquelles on s’adresse
personnellement. La bienveillance institue une morale à la seconde personne qui concerne certains – et pas d’autres, comme le
proposerait la morale à la 3ème
personne.
Rêvons un peu : je me rends au service
des impôts pour un arriéré dû à une déduction indue. Un bureau derrière le quel
un employé au sourire dents-blanches, une chemise et une cravate élégantes, pas
d’écran d’ordinateur mais un discret bouquet de fleurs et une photos de ses
enfants. Le contrôleur me parle avec douceur et il m’enveloppe d’un regard
bienveillant : « Cher monsieur, nous avons remarqué qu’il vous
arrivait de déduire de vos revenus des frais professionnels auxquels vous
n’avez pas droit, eu égard à vos fonctions d’employé de mairie – comme la
location chaque mois d’un marteau piqueur et d’une fourgonnette de 12 m2.
Nous croyons que vous vous êtes fourvoyé en rédigeant votre déclaration, mais
qu’en aucun cas vous n’avez voulu tromper le fisc. Pour cette raison le
redressement que nous vous appliquons ne comporte pas de pénalité, mais sachez-le
bien, c’est parce que nous avons pour vous une particulière mansuétude,
monsieur Dupont Robert, matricule XXXXX***. »
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