Une simple promotion du pot de Nutella de 950 grammes, à
1,41 € au lieu de 4,70 €, a provoqué, hier, une étonnante frénésie aux quatre
coins de la France. De nombreux Intermarché ont été la scène de quasi-émeutes
relayées sur les réseaux sociaux.
À Vannes (Morbihan), 400 pots ont été vendus en vingt
minutes alors que ce stock permet habituellement à un supermarché de tenir
plusieurs mois. À Rive-de-Gier (Loire), une cliente a confié à nos confrères du
Progrès avoir vu des consommateurs s’acharner « comme des animaux, une femme s’est fait tirer les cheveux, une dame
âgée a même pris un carton sur la tête ». (Lu ici)
Petit à petit, l'information a gagné en ampleur, jusqu'à
créer une peur de manquer, liée à ce que Lionel Sitz appelle le "marketing
de la rareté". Ce professeur de marketing à l'EM Lyon l'explique à
franceinfo : « Les annonces de
ruptures de stock sont des techniques de communication qui fonctionnent bien,
avec un effet performatif immédiat. » En résumé, la crainte de ne pas
avoir accès au produit le rend encore plus alléchant. C'est ce que confirme
Dominique Desjeux, anthropologue et professeur à la Sorbonne, interrogé par
franceinfo : « Il y a ce qu’on
appelle en sociologie les 'conséquences inattendues : on voit quelqu’un avoir
quelque chose et on le veut à notre tour. Ces bousculades arrivent parce que
beaucoup de gens veulent la même chose au même moment. »
Bref : nous sommes dans un comportement mimétique,
quelque chose dont l’origine est à chercher dans le comportement des primates,
ordre dont nous constituons l’une des espèces, à côté des singes.
Toutefois, si cette information a stupéfié, c’est aussi
parce qu’elle a évoqué de lointaines émeutes de la faim, dans un passé dont
nous avons conservé un souvenir effrayant.
o-o-o
Une supposition : nous sommes en 2318 ; un
historien du futur tombe sur cet article de presse, considéré comme un précieux
document pour juger de l’évolution des sociétés occidentales. « Voilà,
dira-t-il, une preuve qu’en 2018 les inégalités sociales étaient encore très
importantes. On trouve ainsi en plein 21ème siècle des émeutes de la
faim, comme on en vit au 18ème siècle précipitant la venue de la
révolution française. »
Peut-être aura-t-il repéré dans notre avenir d’autres
évènements rappelant l’émeute Nutella – qu’en savons-nous ? En tout cas ce
que nous savons bien mieux que lui, c’est que le Nutella ne sert pas à
satisfaire l’estomac mais le palais ; qu’il ne sert pas à échapper à la
famine, mais à faire des obèses et des diabétiques.
Les grincheux d’aujourd’hui expliqueront à notre historien
de demain, que ce n’est peut-être pas la Révolution pour tout de suite que
cette émeute nous annonce, mais plutôt une hospitalisation pour diabète sévère.
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