Une enquête
de l'Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et l'observatoire Conspiracy Watch,
publiée dimanche 7 janvier, révèle que huit Français sur dix croient aux
théories du complot. (Voir ici)
« 18% des 18-24 ans qui se disent favorables à
l'idée que «la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis
l'école», contre seulement 3% des plus 65 ans. »
Là, vous vous
dites sûrement : « Ça n’est pas
sérieux, il est impossible que nos enfants sortent de l’école avec une pareille
foutaise dans la tête. L’IFOP est entrain de nous enfumer ! »
Evidemment,
dit comme ça, on a l’impression que l’évidence et la vérité ne peuvent être
démenties si aisément. Mais n’oublions pas quand même que la vérité relève
souvent de l’autorité de celui qui l’énonce, ou du type de discours qu’il tient
– Michel Foucault en fit naguère le thème de sa leçon inaugurale au Collège de
France (1).
S’il en va
ainsi, alors la vérité porte en elle les germes de sa contestation :
puisqu’elle exprime l’opinion d’un pouvoir qui domine grâce à elle, celui qui
veut combattre ce pouvoir doit aussi combattre « sa » vérité, quand
bien même elle serait le produit de la science.
Il ne s’agirait
donc pas d’obscurantisme, mais seulement d’une lutte des opprimés contre leurs
oppresseurs ? Peut-être pas exactement, mais c’est une dérive de cette
situation. La science n’opprime pas, ne conteste pas, elle éclaire un point
c’est tout. Mais quand elle est perçue comme prenant part à un conflit de
civilisation, quand par exemple ses lois sont mises en balance avec les mythes
ou les croyances, alors la vérité scientifique est dégradée au niveau de
l’opinion religieuse, et elle tombe sous le coup des affrontements
idéologiques.
La bonne
question n’est pas alors de savoir à quoi nos adolescents croient quand ils
disent qu’on les trompe en leur faisant croire que la terre est ronde, mais
qu’est-ce qu’ils combattent en disant cela. Il y a gros à parier que ce soit
nous (les adultes responsables) – et que ce soit nous en tant que personnes
détentrices du pouvoir et non pas la forme de la terre dont nos ados n’ont
probablement rien à faire.
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(1) Michel
Foucault – L’ordre du discours
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