mercredi 10 juin 2020

Donnez-nous des symboles ! – Chronique du 11 juin

Je hais les symboles – du moins ceux dont le cours est « forcé » comme celui de certaines monnaies, ceux devant lesquels on est contraint de se prosterner (comme au pied de la croix) ; ou qu’il faut suivre, quoiqu’il en coûte (comme le drapeau sur le champ de bataille). Mais rien n’y fait : en cette période un peu bouleversée, on ne renonce pas aux symboles, bien au contraire ; le premier qui passe, hop ! Embarqué !
Oui – pour marquer le début de ce confinement, une image est restée : celle de ces caddies de supermarché qui débordent de marchandises à commencer– bien visibles – par des montagnes de rouleaux de PQ. 
Et quand nous fûmes sortis de cette éprouvante période, nous n’avons pas eu besoin de chercher bien loin : les verres de vin rosé qui trinquent entre amis est l’image qui nous vint facilement.



Quelle différence fait-on entre le signe et le symbole ? Le fait que le signe peut être totalement arbitraire (= immotivé), alors que le symbole représente toujours quelque chose : il y a entre le symbolisant et le symbolisé un rapport tel qu’on ne peut modifier le premier sans perdre quelque chose du second. 
Quel rapport y a-t-il donc entre nos symboles de confinement et le confinement lui-même ?
- Déjà observons que le rouleau de papier hygiénique fait référence à la sphère de l’intime, alors que, si les verres de rosé évoquent bien la vie privée, celle-ci n’a plus rien d’intime.
- Ajoutons aussi qu’il existe entre ces deux images une opposition totale, la première rappelant le repliement sur soi-même alors que l’autre évoque plutôt l’ouverture, voire même le déploiement vers les autres.
Du coup, ces images-symboles résument assez clairement ces mouvements contraires, sans qu’il soit besoin de les analyser plus en détail.
- Sauf peut-être de noter que le retour sur soi est évoqué par le fonctionnement de notre intestin, dont le sens originaire désigne ce « qui est, se produit à l'intérieur de quelqu'un, de quelque chose ». (CNRTL) Qu’importe que ce soient des excréments qui signifient notre intériorité ?
- Et quand on veut évoquer l’extériorité heureuse, la rencontre d’autrui, l’ouverture à la vie… c’est la picole qui est mobilisée. 
Et voilà !

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