dimanche 26 juin 2022

Embrassons-nous Folleville ! – Chronique du 27 juin

 

Hier 26 juin au sommet du G7


Bonjour-bonjour

 

Enfin ! Une bonne nouvelle : Boris Johnson et Emmanuel Macron ont affiché leur réconciliation suite à la crise des sous-marin australiens qui traine depuis septembre 2021.

S’y étaient ajoutés, ne l'oublions pas, les droits de pêche refusés aux français et puis le statut de l’Ireland du Nord post-brexit. Ça fait beaucoup mais on voit combien nos hommes politiques sont résilients : quelques déboires électoraux associés à la guerre d’Ukraine, et les voilà réconciliés. Embrassons-nous Folleville ! comme on disait autrefois sur les scènes de théâtre (1).


On pourra rétorquer que, même joué, cet affichage de la réconciliation franco-britannique répond à une intention sans laquelle il ne serait pas là. Toutefois une bonne intention ne peut empêcher que s’infiltre dans ce procédé un venin qui ruine la démocratie. Et voici comment :

- Depuis bien des semaines je maudis l’habitude des citoyens de voter pour des personnes plus que pour des programmes. Monsieur Macron c’est le beau gosse avec qui on partirait volontiers en vacances – alors pourquoi ne pas voter pour lui puisqu’il incarne, voyez-vous, le gendre idéal. Monsieur Johnson ? Il nous rappelle Ronald (le clown qui fit la joie de nos petits chez Mac’Do) ; c’est un joyeux drille qu’on inviterait volontiers à l’apéro-saucisse de samedi prochain – alors pourquoi ne pas l’héberger au 10 Downing Street ?

Seulement voilà : les dirigeants politiques ne sont pas fous : pourquoi iraient-ils  lutter contre cette tendance en affirmant qu'il faut voter pour des idées et non pour des hommes ? Il est bien plus facile de surfer sur cette tendance à incarner des icônes de la vie heureuse et amusante voulue par le peuple-électeur. 


Nous ne rencontrons nos dirigeants qu'au travers d'images qui les représente qu'ils le veuillent ou pas, devenant ainsi des produits qu'on nous "vend", conformément à la thèse de Guy Debord (2) . Ce spectacle est mis en scène non pas seulement sur la base du divertissement, mais bien plus profondément sur celle des rapports sociaux : « Le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images » comme l'écrit Guy Debord

 

Oui, les dirigeants de nos démocraties jouent (et même sur-jouent) le jeu de la société du spectacle. Quand nos hommes politiques pastichent les héros des médias qui branchent les jeunes, on se dit que la démocratie est déjà morte et enterrée sans même qu’on s’en soit aperçu.

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(1) Embrassons-nous, Folleville ! est une comédie-vaudeville d'Eugène Labiche et Auguste Lefranc, représentée pour la première fois à Paris au théâtre du Palais-Royal le 6 mars 1850. 

« Embrassons-nous, Folleville ! » est devenu par extension une expression ironique désignant des démonstrations d'amitié ou de joie qui permettent d'oublier les différends ou qui occultent les problèmes. Voir ici

(2) Pour Guy Debord, dans la société de consommation, tout est manipulé pour devenir consommable c’est-à-dire in fine vendable

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