lundi 20 juin 2022

Bye-bye, les premiers de cordée ! – Chronique du 21 juin

Bonjour-bonjour

 

Rappelez-vous : c’était hier et le gouvernement voulait faire passer une réforme impopulaire (on pense aux retraites), ou bien une mesure technique (telle l’obligation du pass vaccinal) ; le maitre mot était alors : faire de la pédagogie. Oui, la pédagogie qui consiste à expliquer à un public supposé ignare des vérités qu’il ne parvient pas encore à comprendre. Bien sûr le second maître-mot d’alors était le mépris. Car dès lors qu’on pense que la décision refusée est objectivement belle et bonne, il ne reste plus qu’à le faire comprendre – par une pédagogie adaptée aux facultés des gens-de-la-rue ; à moins de faire appel aux forces de l’ordre quand ça chahute dans le fond de la classe. 

Et aujourd’hui ? Oui, maintenant que les cancres du dernier rang sont montés à l’assaut de la chaire du prof pour s’emparer de sa férule ? Un combat de rue à l’Assemblée nationale : c’est ça qui nous attend ?

Espérons que non, mais demandons-nous alors par quoi la « pédagogie » qui consiste à faire entrer par la force une vérité supposée supérieure dans les têtes obtuses va être remplacée ? 

Au lieu de laisser à la violence la première place, imaginons d’inverser le procédé : refusons de penser que la vérité est l’expression de la force du plus fort, et disons plutôt qu’elle est ce sur quoi nous sommes tous tombés d’accord, les forts comme les faibles, les majoritaires comme les minoritaires. Autrement dit : oublions la pédagogie et négocions.

 

- Là, je sens mes chers amis qu’il y a un mouvement de recul et de méfiance. « Quoi, c’est donc ça que vous avez trouvé pour faire face à l’embrouille parlementaire ?  Faire comme si on pouvait négocier à propos du virus ou avec le marché de la finance ? Donnez donc le pouvoir à Jojo-le-Gilet-Jaune, ça ira plus vite ! » (1)

Dire que la vérité est ce sur quoi nous sommes tombés d’accord signifie que cette vérité n’est pas celle des données objectives accessibles seulement à la démarche scientifique. Ici, un seul qui sait a raison contre toute une foule qui crie le contraire. Mais ce n’est pas avec ces vérités massives comme du roc qu’on fait de la politique. On ne peut que contourner la montagne ou simplement trouver le passage qui mène au col – or, « Gouverner c’est choisir » disait Mendès-France. Là où il y a du choix, il y a de la politique : faute d’effacer la montagne cherchons le passage qui ne laissera personne sur le bord du chemin. Mais pour cela il faut consulter tout le monde et permettre à chacun de dire s’il accepte la solution proposée.

Au lieu d’imposer le point-de-vue des premiers de cordées, ouvrons la voie qui permettra aux plus faibles de franchir le col. (2)

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(1) Voir ce billet qui date maintenant d’un peu plus d’un an.

(2) Bien sûr il y a un grand danger à admettre que la vérité se signale par le fait du consensus. Sans remonter au temps de Galilée où tout le monde admettait que la terre soit au centre de l'univers, songeons aux stupidités assénées sur les réseaux sociaux par une opinion fière de sa sottise. Que nous soyons d'accord sur une décision ne la rend pas "vraie" pour autant. Encore faut-il qu'elle surmonte l'épreuve du réel : c'est même pour cela qu'elle méritera le nom de "vérité"

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