jeudi 30 juin 2022

La perpétuité c’est long, surtout vers la fin – Chronique du 1er juillet

Bonjour-bonjour

 

La condamnation de Salah Abdeslam à la perpétuité incompressible est l’occasion de revenir sur cette peine que le droit pénal français présente comme étant le véritable substitut de la peine capitale.

Dans l’article de Libé signé de Juliette Delage, on trouve cette citation de Michel Foucault : « La véritable ligne de partage, parmi les systèmes pénaux, ne passe pas entre ceux qui comportent la peine de mort et les autres ; elle passe entre ceux qui admettent les peines définitives et ceux qui les excluent » Car si une condamnation à perpétuité laisse un espoir de sortir un jour de prison (1), en revanche la perpétuité incompressible signifie que le détenu ne sortira jamais de prison sauf après sa mort : Michel Foucault a donc raison de ranger cette peine dans une catégorie dont la condamnation à mort n’est qu’un cas particulier.


--> C’est qu’en effet, cette peine revient à nier cette faculté si extraordinaire qui fait l'essence de l’homme : celle d’espérer ; et ce n’est pas pour rien que l’Enfer de Dante commence ainsi : « Toi qui entres ici, abandonne toute espérance... » La prison à vie est bien cet enfer moderne, sans tortures, sans démons, mais aussi sans espoir d’en sortir.

 

- Il reste à dire pourquoi il est si cruel de priver un homme d’espérance en l’avenir. C’est ce que fait fort brillement Juliette Delage dans l’article cité : « L’homme ne se résume pas à ses actes : il peut changer, évoluer. La période de sûreté incompressible est un renoncement aux principes de la justice pénale, qui juge des actes avant de juger des hommes. C’est une peine qui vient confondre l’acte et son auteur. L’appliquer, c’est considérer que l’acte commis est tellement grave qu’aucun espoir ne peut être accordé au condamné, qu’il ne peut pas changer, pas évoluer. L’incompressibilité empêche de se projeter dans une dynamique favorable. Il faut un droit à l’espoir. » 

Sans faire la moindre référence philosophique Salah Abdeslam disait pour sa défense la même chose : « Les faits qui méritent cette condamnation existent ; celui qui est dans le box la mérite pas. »

 

Alors bien sûr on fera observer qu’il existe, même pour cette condamnation la possibilité de demander une mise en liberté après 30 années de prison : preuve que refuser une telle possibilité excède le pouvoir d’un homme sur un autre. Mais les modalités sont telles qu’il est à peu près impossible que quiconque a passé 30 ans derrière les barreaux puisse y satisfaire.

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(1) D’où l’ironie de mon titre tiré d’une citation (contestée) de Woody Allen

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