Bonjour-bonjour
Il fut un temps où on pointait l’invasion du français par les mots ou les tournures anglaises comme une grave faute à corriger au plus vite. René Étiemble, un universitaire défenseur de la langue française, avait même trouvé un vocable pour désigner ces incorrections : il s’agissait du « franglais », mot-valise qu’on identifie facilement. On avait aussi trouvé l’idée de nommer un sous-ministre chargé de faire respecter l’obligation de rédiger en français et non en « sabir nord atlantique » (Etiemble dixit) les billets d’information.
Cette volonté est bien oubliée aujourd’hui si l’on en croit le vocabulaire des joueurs du XV de France. Écoutez plutôt les discours faits au XV de France tenus samedi dernier par deux joueurs de l’équipe, Antoine Dupont et Gaël Fickou, qui se sont ainsi adressés à leurs camarade de jeu :
- Antoine Dupont à propos des All Blacks « Ils attaquent tous les rucks et ils nous ferment les extérieurs. - Ils nous splittent à chaque fois et on subit toutes les collisions. – Qu’on fasse les efforts de déplacements pour être bien en face et les catcher »
- Et Gaël Fickou d'insister : « Les deux qui sont dans le contact, ils fightent. Les autres, ne regardez pas le ruck, circulez s’il vous plait ! – Le seul problème, c’est du sprint autour des rucks, c’est pas en marchant ... Donc on sprinte à chaque fois autour des rucks »
Les progressistes font remarquer que les emprunts d’une langue à l’autre est un phénomène constant et que, s’agissant de l’anglais et du français, les emprunts au voisin sont constants et même plus nombreux du fait des anglais que des français. Mais le problème réside dans le degré d’intégration à la langue d’accueil. Ainsi quand Gaël Fickou demande à ses coéquipier de « sprinter » on n’a même plus conscience de l’origine anglo-saxonne du mot, parce qu’il est devenu un verbe conjugué avec le 1er groupe, de verbes, selon l’ordre voulu par notre propre grammaire. Mais il n’y a pas que cela : car « fighter », soumis à la même règle parait bien étranger et impénétrable au français du 21ème siècle.
Vient alors la difficulté qu’Étiemble avait combattue : les emprunts à la langue anglaise ne se transforment plus en mots de la langue courante parce qu’ils sont relayés par des médias qui en conservent la tournure originale. Alors qu’autrefois ces mots circulant de bouche à oreille dans une prononciation strictement française se déformaient rapidement, ceux qui apparaissent aujourd’hui vont garder leur allure exotique en raison du relai de la presse imprimée. C'est ainsi qu'on prononce « cleub » ce mot qu’on écrit toujours « club ».
Il y a toutefois quelques exceptions, dues aux phonèmes anglais absents du français, comme le « the », transformé en "ze".
C'est également l'occasion de jeux sur les mots anglo-français comme avec l’amusant « of course » que San Antonio avait déformé en « œuf corse » qu’on prononce d’ailleurs souvent aujourd’hui sans y penser.
Mais cet oeuf corse n'est qu'une amusante exception : le problème avec le franglais, c’est qu’on prononce l’anglais trop bien.
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