Bonjour-bonjour
La valeur républicaine la mieux établie est sans doute l’égalité – et en particulier l’égalité des chances : que, dès leur plus jeune âge, tous les enfants soient sur la même ligne de départ, quel que soit leur milieu social et le degré d’éducation de leurs parents.
C’est ainsi que l’acquisition du langage est particulièrement scrutée : parmi les acquis légués à leurs enfants par les parents il y a l’apprentissage du langage, d'où proviennent justement des différences importantes de potentiel entre les enfants de milieux différents. Dans la mesure où l’école est supposée combler le déficit de niveau culturel et social pour rétablir l’égalité, il est donc important de bien connaitre la nature de ce décalage.
On lira cet article en ligne qui détaille ces principaux critères d’évaluation, dont je ne reprendrai que quelques aspects frappants.
Concernant le langage, l’étude des inégalités dans la petite enfance suppose non seulement d’évaluer la « qualité » linguistique des discours selon des critères comme la richesse du vocabulaire ou le degré de correction grammaticale et syntaxique mais aussi d’envisager le rapport au langage, c’est-à-dire la manière d’utiliser le langage.
Deux rapports au langage s’opposent.
* Le premier consiste à traiter le langage en lui-même, comme un objet autonome qui peut être manipulé indépendamment du contexte d’énonciation. On l’a deviné : c’est ce type de rapport au langage que les enfants des milieux favorisés dominent aisément.
* Le deuxième rapport au langage, qualifié de pragmatique, revient à utiliser le langage de manière pratique, pour faire des choses dans des contextes spécifiques. On aura reconnu ce qui caractérise le type de langage usité dans les classes populaires. (D’après l’article cité)
Or c’est le premier rapport au langage, qualifié de réflexif, qui est fortement valorisé dans l’ensemble des institutions de la société et tout particulièrement dans le cadre scolaire : on retrouve ici l’injustice commise par les élites qui consiste à retenir comme critère de sélection ce que leurs familles transmettent à leurs enfants et auquel les enfants des autres classes n’ont pas accès (1).
J’ajouterai que demander à l’école de combler ce retard est vu par les familles des milieux populaires contre-productifs et donc inutile. Ce que ces classes demandent à l’école c’est précisément ce que les enfants des classes aisées n’ont pas besoin d’apprendre parce que tout dans leur vie quotidienne les a habitués à le dominer.
Et après, comment les petits bourgeois apprennent-ils à performer ?
- En développant leur imagination ! C’est particulièrement évident lorsque les parents sélectionnent les livres proposés à leurs enfants : aux petits des classes populaires, les livres pédagogiques ; aux autres les livres qui font rêver.
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(1) On retrouve ici des faits détaillés par Bourdieu et Passeron dans leur livre consacré aux Héritiers (1964)
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