mercredi 17 juillet 2024

Et Dieu dans tout ça ? – Chronique du 18 juillet

Bonjour-bonjour

 

Un mythe s’écroule. Dans un rapport porté par les associations qu’il a lui-même créées, l’abbé Pierre, mort en 2007 à l'âge de 94 ans, est accusé d'agression sexuelle par sept femmes, dont une mineure au moment des faits, qui se seraient déroulés entre 1970 et 2005. (Lu ici) A noter que le plus récent témoignage porte sur des faits ayant eu lieu alors que l'abbé avait... 92 ans !

Baisers profonds, attouchements non consentis et tout cela de la part de celui qu’on avait fini par considérer comme un saint et qui était une conscience morale assez puissante pour aller faire la leçon jusqu’à l’Élysée – ajoutez à cela la sidération des victimes dont l’une s’est sentie harcelée par Dieu Lui-même : rien de cette situation ne parait imaginable

 

Sœur Véronique Margron, présidente élue de la conférence des religieuses et religieux en France (Corref), très en pointe dans le combat contre les abus sexuels dans l'Église exprime son désarroi : « ... son action – indiscutable – a interdit toute vigilance, tout esprit critique, tout courage peut-être même de ceux qui l'ont entouré, devant ses comportements indignes et coupables ». On comprend que l’aura de sainteté de l’abbé, a non seulement rendu possible l’abus de pouvoir envers les femmes victimes, mais a aussi interdit toute réaction de la part des témoins.

Dans un livre-confession publié en 2005 (1) l’abbé Pierre révèle son attirance sexuelle pour les femmes : « Il m'est arrivé de céder à la force du désir de manière passagère ». Pourtant il voyait dans la fugacité de ses pulsions un rempart contre le péché en empêchant l’enracinement d’une liaison profonde. Au fond, le harcèlement et l’agression étaient à ses yeux un motif allégeant la gravité de ses gestes : ça aurait pu être pire.

 

Oui – mais comment ses victimes ont-elles vécu ces situations ? Après avoir gardé le silence depuis près de 50 ans, elles parlent à présent, portées par la vague #meetoo. Certaines soulignent leur désarroi d’être ainsi agressées : « J'ai l'habitude de me défendre, mais là, c'était Dieu. Comment faites-vous quand c'est Dieu qui vous fait ça ? » s'interroge l'une de ces femmes.

Au-delà du sacrilège contenus dans ces propos, nous devons nous interroger. C’est en effet une prétention des gourous qui imposent des rapports charnels à des femmes membres de leur secte : par leur intersession, c’est Dieu en personne qui les féconde. On a l’habitude de prendre cette soumission comme une situation imposée par le dominateur sectaire. Ici et pour autant qu’on sache, l’Abbé Pierre n’a pas eu cette prétention, mais pourtant elle a été bel et bien ressentie.

Aurait-on ici une réaction féminine en présence d’un rapport sexuel imposé ? Quelque chose qui relèverait de la psychologie des profondeurs ? En tout cas on doit profiter de cette situation pour s’interroger : 

Et Dieu dans tout ça ?

 

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(1) Frédéric Lenoir « Mon Dieu… pourquoi ? » (Plon) (Publié en 2005

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