mardi 3 mai 2022

Le droit à l’I.V.G est-il prescriptible ? – Chronique du 4 mai 2022

Bonjour-bonjour

 

Le droit est du domaine de la souveraineté du peuple, et c’est pour cette raison que toute décision légale est susceptible d’être supprimée. Ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Raison pour laquelle l’interdiction de la peine capitale en France a été inscrite dans la Constitution, non pas qu’on ne puisse la rétablir, mais simplement pour rendre cette décision un peu plus difficile.

- Ce qui nous intéresse dans la menace de voir la Cour Suprême américaine rendre à chaque État le droit d’interdire l’IVG sur son territoire, ce sont les raisons par lesquelles elle justifie ce choix.

Lisons : « Nous estimons que Roe v. Wade (nom de l’arrêt de 1973 sur l’avortement, ndlr) doit être annulé », est-il écrit dans ce document, qui estime également que cette loi sur l'avortement était « infondée dès le début », et que le sujet de l’IVG est « une question morale profonde ». « La Constitution n'interdit pas aux citoyens de chaque État de réglementer ou d'interdire l’avortement », selon Samuel Alito (1). « La conclusion inéluctable est que le droit à l'avortement n'est pas profondément enraciné dans l'histoire et les traditions de la Nation », a-t-il ajouté, ajoutant que le droit à l’avortement n’est « protégé par aucune disposition de la Constitution ». (Lire ici)

Autrement dit, cette révocation, qui est légale du fait de la toute-puissance de la Cour, est également motivée par le fait que seule la morale (et sans doute la religion), peut statuer dans le domaine de l’interruption volontaire de grossesse. La seule objection qui semble-t-il pourrait s’opposer à cette décision étant qu'on puisse dire que l’avortement soit « profondément enraciné dans l'histoire et les traditions de la Nation » - ce qui n’est pas le cas (appel aux Pères fondateurs).

Les femmes américaines vont sans doute démontrer que cet enracinement n'a pas lieu d'être évoqué et que l'histoire du peuple américain se construit aujourd'hui même sur des bases autres que celles qui ont été prévues par les fondateurs de la Nation. 


Néanmoins, tout cela nous pose (à nous citoyens français) une question extrêmement difficile : celle de savoir qu’est-ce qui dans notre constitution peut être modifié, et qu’est-ce qui, du fait de l’Histoire (avec un grand « H ») est consubstantiel à notre Nation ?  Pour reprendre l’exemple cité en commençant, nul doute que le rétablissement de la peine capitale soit possible, pour autant que le Congrès le décide. Par contre, imaginez qu’un projet de rétablissement de la monarchie soit proposé au même Congrès, peut-on dire qu’il serait légitime d’en débattre ? Et qu’est-ce qui nous en empêcherait ?

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(1) Samuel Alito est le juge conservateur rédacteur de l’avant-projet de la Cour Suprême.

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