vendredi 20 mai 2022

Ne rien changer pour tout changer – Chronique du 21 mai

Bonjour-bonjour

 

Après la nomination du chef du gouvernement, voici qu’hier nous avons eu celle des nouveaux ministres. Occasion de voir que les nouveautés radicales promises en cours de campagne électorale aboutissaient bien plus sagement à un gouvernement qui était dans le droit fil du sillon creusé déjà depuis cinq ans.  « Alors qu’il a promis une « méthode nouvelle », le chef de l’Etat a nommé une équipe loin de la « disruption » de son précédent quinquennat » précise cet article du Monde (1). Un peu plus tôt le Président nous avait également promis un quinquennat de dépassement (2). 


Disruption/dépassement/nouvelle méthode : Nous voici avec trois possibilités : la quelle choisir ? Et comment comprendre l’évolution de l’une à l’autre ? 

- Nous sommes en apparence en présence de l’alternative banale continuité/rupture, et on pourrait en effet considérer que le dépassement est du côté de la rupture - avec la disruption ; alors que le simple changement de méthode constituerait un « replâtrage » qui ne change rien au fonds. Toutefois à bien y regarder les choses ne sont pas si simples.

            1° La disruption est une notion issue de la physique et reprise par le marketing. « Le disruptif se dit de la décharge électrique qui éclate avec étincelle et, au sens figuré, de ce qui tend à une rupture. En marketing, être disruptif, c'est être pionnier dans son domaine, devenir incontournable rompre avec d'anciens schémas, d'arriver là où personne ne l'attend, tout en créant un phénomène. » Cette définition (donnée ici) montre qu’il ne faut pas ses contenter de changer, ni d'être seulement brillant, mais qu’il faut en plus être créatif.

Reste que pour l’essentiel il y a rupture : ce qui était avant ne sera plus après, même si on a de surcroît l’exigence d’y gagner quelque chose.

            2° Il en va tout autrement avec le dépassement. Comme nous avons un Président-philosophe nous devinons qu’il ne parle pas du « dépassement » d’une voiture par une autre, mais bien du « dépassement hégélien » (aufhebung). Ce concept qu’on renonce généralement de traduire en français faute d’avoir un mot adéquat, contient trois idées. 

a) celle d’évolution qui marque un progrès ;

b) celle de rupture, voire même de révolution au sens où il s’agirait du surgissement d’une radicale nouveauté et non du simple déploiement de ce qui est déjà contenu dans le stade antérieur. 

c) Mais aussi celle de conservation puisque – par exemple chez Marx – le prolétariat ne cesse pas d’exister après la révolution, mais qu’il change de nature en cessant d’être une classe opprimée. 

            3° Entre la disruption qui détruit le passé au profit de l’innovation, et le dépassement qui rompt avec le passé mais qui voit en lui la condition sur laquelle s’appuyer pour faire « bouger les choses », il y a la continuité incarnée par le simple « changement de méthode »

o-o-o

Ne rien changer pour tout changer : ça suppose que la disruption et le dépassement ont eu lieu avant le présent quinquennat. Et donc, comme l'affirme le Président Macron dans son discours du 2 avril (cf. infra note 2), le dépassement et la disruption signifieraient simplement qu’on a piqué des ministres à droite et à gauche. 

Quant au contenu politique, circulez, y rien à voir.

---------------------------------

(1) Qui ajoute « Sauf sur un portefeuille important : l’éducation nationale ».

(2) Le 2 avril le candidat-président avait vanté le dépassement politique, faisant valoir qu’« aucun /de ses deux premiers ministres/ n’était à [ses] côtés il y a cinq ans », comme « beaucoup de ministres » l’ayant rejoint après sa victoire. Mais nous l’avons fait. Nous avons agi, dépassé » Lire ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire