mardi 28 juillet 2020

Pour néant pense qui ne contrepense – Chronique du 29 juillet

Bonjour-bonjour

 

Hier j’entends parler d’un « biais cognitif » qui aboutit à n’entendre que les avis identiques à ceux qu’on a soi-même émis. Nous ne sommes pas loin de cette sentence de Monsieur Prud’homme (d’Henri Monnier) : « C'est mon opinion, et je la partage ».

 

Ne croyez-vous pas qu’on ici mis à jour un des ressorts les plus fréquemment en jeu dans les échanges entre les individus ? Chacun y va de son opinion et enchaine : « Vous êtes d’accord avec moi, hein m’sieur ? » - et malheur à vous si vous dites « Non » ! Car ce qui importe, ce n’est pas de savoir ce qui est vrai ou pas, mais bien de compter les gens qui sont dans notre camp. Bien sûr je n’ai pas besoin de rappeler comment les « réseaux sociaux » fonctionnent et combien ils confirment l’importance de ce mécanisme.


Moi, ça me gène un peu, parce que je passe mon temps à échafauder des idées contre les quelles j’exerce mon raisonnement – et que le meilleur gagne. J’ai fait depuis longtemps mienne cette sentence venue du moyen-âge : « Pour néant pense qui ne contrepense ». Or c’est précisément aller contre ce biais cognitif que de « contrepenser ».

 

- Moi qui professe dans l’intimité de mon bureau une grande modestie, j’ai été obligé de concéder que je ne savais presque rien de la notion de « biais cognitif ». D’où l’usage de Wikipédia qui est en l’occurrence bien fourni en information : arrivé sur la page, je suis resté éberlué devant la liste des biais cognitifs recensés. Incroyable liste des défauts de raisonnement, des faux semblants et des vraies hypocrisies qui se manifestent tous les jours dans notre pensée, et tout cela pour avoir l’impressions que nous pensons mieux – sinon aussi bien que les autres ; ou plutôt que ce sont les autres qui pensent comme nous. Dire à quelqu’un « Je ne suis pas d’accord avec toi » c’est lui infliger une blessure narcissique donc une souffrance dont il voudra selon les cas se venger ou simplement éviter de la subir. Un des stoïciens de l’antiquité grecque (dont j’ai oublié le nom) disait : « Lorsque je discute avec toi, si j’ai une fausse opinion arrache-la de mon esprit. Si tu en as une, souffre que je t’en délivre ». 

Il y a bien peu de gens susceptible de souscrire à cette règle – est-ce parce que nous sommes tous des enfants de monsieur Prud’homme ?

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