Bonjour-bonjour
Je reprends ma réflexion sur la liberté telle que soulevée dans les manifestations du samedi.
Alors il est vrai que ça fait déjà plusieurs semaines que je viens vous en entretenir, et on commence à en avoir pardessus la tête : il serait temps de passer à autre chose, n’est-ce pas ?
- Oui, c’est vrai… Mais que messieurs les manifestants commencent.
Car voilà qu’un désaccord se fait jour dans leurs rangs : les uns crient à la dictature, disant que le pass détruit totalement leur liberté ; les autres disant qu’il ne s’agit que d’un recul de la liberté. Alors : la liberté peut-elle survivre à une restriction – à supposer que c’en soit une ?
Reprenons la question avec le célèbre anarchiste Bakounine. En 1867 il écrivait : « La liberté est indivisible : on ne peut en retrancher une partie sans la tuer tout entière. Cette petite partie que vous retranchez, c’est l’essence même de ma liberté, c’est le tout. Par un mouvement naturel, nécessaire et irrésistible, toute ma liberté se concentre précisément dans la partie, si petite qu’elle soit, que vous en retranchez. » (Lire le texte ici)
1° Le pass sanitaire supprime bien une partie de la liberté des citoyens, puisqu’il les oblige à se faire vacciner s’ils veulent continuer à vivre normalement (voire même depuis ce matin à aller à leur travail).
2° Cette restriction est-elle liberticide ?
Que la liberté civile soit une liberté limitée, c’est ce qu’on sait depuis toujours. Mais selon quel principe ?
3° Bakounine, dans le même texte, évoque Barbe bleue qui interdit arbitrairement et sous peine de mort à sa femme d’ouvrir la porte « d’une mauvaise petite chambre » ; et également de l’interdit non fondé du fruit défendu dont parle la Genèse. Dans les deux cas, aucune justification autre que l’intérêt privé ne vient soutenir cette limitation.
Alors on dit : « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Mais qu’est-ce qui rend compte de l’étendue de chaque liberté ? Est-ce le pouvoir de chacun ? Mais alors la société serait le terrain d’affrontement permanent où chacun s’efforce de repousser les frontières de la liberté de ses voisins. Ainsi, sans aucune justification valable le pass sanitaire serait juste « légitimé » par les coups de matraque des nervis de l’Élysée.
4° En réalité, la liberté civile ne peut être limitée que par l’acte qui la pose – Autrement dit, en voulant que mon pouvoir de réaliser ce que veut ma liberté soit amplifié par le concours de tous, je veux également que tout ce qui s’oppose à ce pouvoir salvateur soit interdit. Ainsi de la survie, voulue par chacun, protégée par tous, qui du coup interdit les actes qui iraient à l’encontre de la sécurité publique dont la mienne fait partie. Je peux vouloir ne pas me faire vacciner, mais je ne peux pas faire ce choix s’il contredit la sécurité collective par la contamination (ou plus simplement par l’engorgement des hôpitaux).
5° Alors oui, il y a des « petites libertés » si l’on entend par là des libertés limitées. Mais ce n’est possible que si ces limitations sont la condition même d’une plus grande liberté.
Selon ce principe, ceux qui refusent l’obligation du pass devraient aussi se voir refuser les soins publics et gratuits qu’on leur apporterait au cas où ils contracteraient la maladie.
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