mardi 31 août 2021

Bruno Dumont et Delphine de Vigan : le réel n’est plus fait que d’apparences – Chronique du 1er septembre

Bonjour-bonjour

 

Quittant un instant la sphère de l’actu la plus chaude je me permets de tourner mes songeries vers le monde de l’apparence des êtres et du monde tel que décrit dans le film de Bruno Dumont qui vient d’arriver sur nos écrans. 

« France », titre du film du nom de son héroïne, relate l’existence chaotique d’une journaliste-animatrice vedette d’une chaine d’info 24h/24h qui bénéficie d’une popularité de star en présentant des reportages-chocs sur des terrains de combats du Moyen-Orient. Or ces reportages sont intégralement bidonnés par elle-même - au point qu’elle bricole encore ses scénarios sous de la mitraille véritable.  Ici tout n’est qu’apparence derrière laquelle il n’y a rien – ou presque.

 

Mais le propos du réalisateur ne s’arrête pas là : cette femme qui possède la gloire et qui reçoit des témoignages d’admiration partout où elle passe voit sa vie personnelle ravagée par un destin cruel : on dirait que le scénariste s’est ingénié à lui donner plus qu’à tout autre pour avoir l’opportunité de l’en priver peu à peu. Mais ce n’est pas encore l’essentiel : un peu comme avec le héros du film The Truman show on découvre qu’elle vit dans un monde aussi trafiqué que ses reportages d’actualité : des gens qu’elle prend pour authentiques sont des menteurs qui jouent des personnages uniquement pour lui extorquer des faveurs. D'ailleurs  elle-même n’est rien d’autre pour les « vrais gens » que cette brillante image qui apparait sur les écrans. Non seulement sa vie part en lambeaux, mais cette apparence trompeuse est devenue la réalité pour tous ceux qu’elle croise. 

La thèse transparait alors : il s’agit de représenter une apparence illusoire se substituant à la réalité comme une métaphore de la société du numérique vers laquelle évoluent nos « smart cities ».

 o-o-o

Cette préoccupation est aussi le sujet du dernier roman de Delphine de Vigan « Les enfants sont rois », qui expose la vie d’une famille qui consacre l’essentiel de son temps à s’exposer pour les réseaux sociaux dans des vidéos YouTube. Le pire ici n’est pas la schizophrénie des personnages, car eux-mêmes croient à la vérité qu’ils filment pour leurs « chéris-followers ». Non - le pire advient lorsqu’ils constatent qu’ils sont réellement devenus cette ombre… qui n’est en réalité l’ombre de rien du tout.

France, l’héroïne de Bruno Dumont est dans la même situation.

Et nous ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire