Bonjour-bonjour
Pour qui veut commenter l’actualité la plus brûlante il n’est que l’embarras du choix : le pass sanitaire vient en premier, mais il est suivi de très près par le crime commis par ce rwandais assassin du prêtre vendéen – à moins que ce ne soit l’arrivée de Lionel Messi à Paris ?
Le cas du meurtre du religieux est source de polémique : on reproche à la police de ne pas l’avoir expulsé alors qu’il était sous le coup de quatre OQTF successives – quand bien même ses recours étaient encore en examen. On dit alors : « comment peut-on avoir été aveugle à ce point qu’on ait laissé vivre en France cet homme lesté de quatre obligations de quitter le territoire ? » Même si aucune erreur n’a été commise, il aurait fallu le jeter dehors, avec le droit ou sans le droit.
C’est là que ce cas particulier rejoint une question générale, car on semble dire qu’un criminel si exceptionnel aurait dû être traité selon des procédures exceptionnelles. C’est ainsi qu’il y a régulièrement des polémiques autour des remises en liberté de personnes mises en causes dans des affaires criminelles : elles font scandale dans des quartiers où un délinquant vient narguer ses victimes, juste après avoir été arrêté par la police – la quelle est la première à accuser des magistrats de saboter leur travail.
Bref, ce rwandais aurait dû être expulsé alors même que ses recours étaient en cours d’examen, ou maintenu interné en HP même sans justification médicale : qu’importent les principes si on peut ainsi sauver la vie d’un homme ? Or, on est ici dans le registre de la justice, là où les principes sont déterminants, y compris pour les cas les plus concrets.
Que disent les principes ? C’est Proudhon qui nous donne la réponse que voici : « La justice (…) c’est le respect, spontanément éprouvé et réciproquement garanti, de la dignité humaine en quelque personne et dans quelque circonstance qu'elle se trouve compromise et à quelque risque que nous expose sa défense. » Proudhon – De la Justice, 1858.
- Il est en effet inutile de revendiquer le respect des lois dans les cas où il s’impose sans difficulté : que le citoyen soit soumis à celles-ci sans aucune exception et donc qu’il soit traité avec l’humanité qu'elles imposent, rien d’exceptionnel. La question du respect de la personne humaine se pose justement quand on est dans le cas de criminels – ou de suspects – particulièrement odieux. Que ce rwandais soit un personnage douteux, enfant de génocidaire, livré à des obsessions et parfois à des délires, ne l’empêche pas d’être un homme pour le quel nos lois ont décrété qu'il avait des droits inaliénables, et si l’on veut juger notre justice, alors c’est sur des cas semblables qu’il faut le faire. Qu’il soit privé de sa liberté pour des raisons prévues par la loi, certes ; qu’il le soit pour des soupçons non fondés juridiquement, alors non.
Mais cet oubli des principes rappelés par Proudhon est si commun que c’est, semble-t-il, l’essentiel du travail des avocats que de le rappeler.
C'est ce qu'on appelle un Etat de droit.
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