Bonjour-bonjour
On l’apprend aujourd’hui : le tribunal d’appel rejette le pourvoi contre la condamnation à mort de Dylann Roof, le jeune extrémiste qui avait criblé de balles neuf fidèles noirs dans une église méthodiste de Charleston en 2015.
« Aucun résumé clinique ni analyse juridique fouillée ne peut totalement rendre compte de l’atrocité de l’acte de Roof. Ses crimes le placent sous le coup de la sentence la plus sévère qu’une société juste puisse rendre », ont conclu les juges du tribunal de Richmond, dans leur arrêt rendu à l’unanimité. (Lire ici)
Il y a des lois qui ne passent jamais tout à fait dans l’opinion publique : on le voit avec la loi autorisant l’IVG (puisque parler d’avortement révulse avant même de savoir ce qu’on veut en dire) ; il en va de même avec la peine de mort. En France son abolition a dû être introduite dans la constitution pour éviter que les pro-peine de mort ne la fassent remonter à la tribune de l’Assemblée nationale pour un oui ou un non. Aux États-Unis la question n’est semble-t-il pas posée : il y un bien moratoire sur les exécutions au niveau fédéral, mais rien au niveau des États : et ce moratoire ne prétend pas se justifier par l’injustice d’une telle condamnation, mais seulement de son application (1)
Et surtout si l’on relit (ci-dessus) la déclaration des juges du tribunal de Richmond, on note que la peine de mort est la sentence la plus sévère qu’une société juste puisse rendre.
Une société juste peut donc le rester tout en prononçant une sentence de mort et en la faisant exécuter. Est-ce exact ?
- D’où viendrait donc la légitimité de la peine de mort ?
Certains ont fait de la peine de mort une sorte de loi du Talion, appliquant comme punition le mal infligé à la victime. C’est ainsi qu’Alphonse Karr écrivait en 1840 « Si l’on veut abolir la peine de mort, en ce cas que MM. les assassins commencent ».
La justice telle qu’on la conçoit de nos jours rejette une telle justification : la vengeance ne constitue pas un droit, et les tribunaux sont là justement pour se prononcer « sans haine et sans crainte », substituant la raison aux passions et aux émotions.
Si l’on se réfère au 18ème siècle, lorsque la question de la peine de mort fut explicitement posée, on a trouvé chez Beccaria (2) une réfutation du droit des sociétés à faire mourir juridiquement un citoyen. Nous sommes rappelons-le en plein 18ème siècle, lorsque la théorie du contrat social occupe les esprits. Chaque loi, dit Beccaria, tire sa légitimité du fait qu’elle est l’expression de la volonté de tous les citoyens (ce que Rousseau définira sous le vocable de « volonté général ») : est juste la loi qui résulte d’une telle délégation de volonté. Or le pouvoir de tuer un autre homme n’existe pas, on ne peut donc transférer à la loi un droit qu’on ne possède pas.
Albert Camus, disait que la peine capitale trouve bien son origine dans un transfert de l’individu à la société, mais avec la peine de mort, c’est une vengeance qui se trouve exercée au nom des victimes : où est alors la justice ?
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(1) « Le ministre de la justice, Merrick Garland, dénonce leur aspect « arbitraire » et leur « impact disproportionné sur les personnes de couleur » Lu ici
(2) Cesare Beccaria, Traité des délits et des peines, publié en 1773, à télécharger ici.
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