jeudi 2 décembre 2021

In cauda venenum – Chronique du 3 décembre

 Bonjour-bonjour

 

En annonçant sa candidature Éric Zemmour a voulu activer la nostalgie de la grandeur passée de la France, principalement en situant son intervention dans le contexte de l’appel du 18 juin (reconstitution du studio de la BBC, micro d’époque compris) et en convoquant les grandes figues du passé historique de la France. « Notre pays est celui "de Jeanne d'Arc et de Louis XIV, le pays de Bonaparte et du général de Gaulle, (...) le pays de Victor Hugo et de Chateaubriand, le pays de Pascal et de Descartes, (...) le pays de Pasteur et de Lavoisier, le pays de Voltaire et de Rousseau » a déclaré le candidat de l’extrême droite, n’hésitant pas à relire à sa façon le « roman national » dont on fait en politique un assez grand usage.

Je ne reviendrai pas sur cet usage, d’autant qu’un intéressant article le fait pertinemment (lire ici). Par contre je voudrais insister sur les derniers mots de sa péroraison, qui ont intrigué les commentateurs : « Vive la République et surtout, vive la France » (1)

C’est bien l’avant dernier mot qui porte le message important que rien ne venait explicitement annoncer auparavant ; car « surtout » signifie que l’amour de la France doit l’emporter sur celui de la République. Une France non-républicaine voilà ce que Éric Zemmour nous promet, comme cela, en passant, presque par inadvertance. Mais on se tromperait en pensant qu’il y a là un procédé un peu leste, du genre « Ah... J’oubliais de vous dire : je suis maurassien » (2). Car depuis la Rome antique, on pratique un procédé rhétorique qu’on désignait l’expression « in cauda venenum » (le venin est dans la queue). Cette formule est employée pour « qualifier des écrits, des discours ou des pamphlets qui semblent neutres, voire positifs au premier abord, mais dont l'auteur garde toute la critique pour la fin. "Le venin est dans la queue" se rapproche ainsi du scorpion où "le devant" (les pinces) sont inoffensives, alors que la piqure de la queue est très dangereuse voire mortelle. » (Voir ici)

Aujourd’hui, on ne parle plus que de « punchline » : ce terme qu’on peut traduire par « mot de la fin » ne serait pas inexact – mais voyez la perte de sens par rapport à l’expression latine.

-----------------------------

(1) On lira à ce sujet l’édito de Thomas Legrand (ici)

(2) Maurras développe l’idée que la Révolution de 1789 a fourvoyé la France et qu’il faudrait revenir à « un roi au pouvoir illimité, une image paternelle nourrie de bienveillance et de savoir-faire au sommet d'un État fort mais limité » (lu ici)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire