Emmanuel Macron a affirmé hier que "la foule" n'avait pas de "légitimité" face aux élus.
De ce fait, le chef de l'État n'avait l'intention ni de dissoudre l'Assemblée, ni de remanier le gouvernement, ni de convoquer un référendum sur la réforme reculant l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Avant d’ajouter : « La Première ministre est la seule, et notre majorité est la seule, à pouvoir porter aujourd'hui un projet de gouvernement ». (Lu ici)
Voilà, c’est dit : vous tous qui manifestez, retournez à vos dictionnaires et vérifiez si nécessaire : faute de mandat populaire, vous n’avez aucune légitimité pour exprimer la volonté populaire, la quelle est déjà engagée pour 5 ans par le scrutin de 2022. Vous pourrez toujours dire que c’est là l’expression de la morgue macronienne, vous n’y ferez rien : vous ne rentrez pas dans le pacte républicain scellé depuis 1958 dans la constitution de la 5ème république.
Depuis les gilets jaunes la rumeur se répandait : la légitimité citoyenne pouvait naitre dans la rue, en fonction du nombre de manifestants et de leur ferveur : « Nous sommes le peuple ! » criaient-ils. Et le Président de la République de leur répondre : « Vous n’êtes que la foule ! »
--> Un peu de sémantique pour calmer les passions : la foule, comme le peuple, requiert en effet le grand nombre. En démocratie le peuple s’exprime par un scrutin rassemblant plus de la moitié des citoyens – quant à la foule elle pourrait bien sans qu’on le sache exactement faire la même chose.
Mais la question n’est pas tant celle du nombre que celle de l’unité qui rassemble. Alors que la foule est unie par l’émotion (joie, colère, violence, adulation), le peuple est uni par la volonté. Et pas n’importe quelle volonté ; il s’agit de celle que Rousseau qualifiait de « générale » entendez qu’elle contient l’expression du bien public, ce bien voulu pour tous par chacun – et non seulement pour soi ou pour la communauté dont on exprime l’intérêt.
Alors, qu’est-ce qui empêche la foule de la rue de vouloir ce qui est bon pour tous ? Par exemple, de vouloir que tous partent en retraite à 62 ans, ou bien que tous touchent au moins 1200 euros de pension ? De quel droit limitons-nous l’unité qui cimente la foule à l’émotion, alors que la revendication de la justice peut très bien apparaitre aussi dans la rue ?
- Eh bien c’est là que commence le propos du Président : selon notre constitution, acceptée par référendum populaire il y a 65 ans, il y a un moment pour décider de qui peut porter cette volonté. Et ce moment est celui de l’élections des représentants du peuple. Car, oui : c’est bel et bien notre volonté que nous avons déléguée à nos représentants en 2022. Et pour changer de représentants, il faudra attendre 2027.
- Certains plus cohérents que d’autres, tel Jean-Luc Mélenchon, en concluent qu’il faut recourir à l’émeute qui rendra le pouvoir à la rue, avant qu’il ne soit de nouveau repris et enchâssé dans une nouvelle constitution. Mais quoiqu’il en soit, la volonté du peuple n’est jamais (sauf exception prévue par la loi) l’expression du peuple mais celle de ses représentants.
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