vendredi 17 mars 2023

Souveraineté : pour y voir plus clair - Chronique du 18 mars

Bonjour-bonjour

 

Les contre-vérités pleuvent comme si nous étions en période de mousson. Ainsi de la souveraineté populaire, parfois opposée à elle-même à travers ses représentants élus sans qu’on sache exactement de quoi on parle.
- Écoutons Mathilde Panot qui, faisant allusion aux sondages d’opinions donnant des scores proches de 90% aux opposants à la réforme des retraites, déclare que la légitimité n'est plus à l’Assemblée nationale mais à la rue qui est soutenue par « la quasi-totalité du peuple », 

 

On reconnait cet argument déjà soutenu par les Gilets-jaunes, mais aussi par beaucoup d’autres réformateurs du passé. L’idée est que le pouvoir souverain ne pouvant se diviser, est en permanence entre les mains du peuple qui peut s’en dessaisir au profit de représentants dûment élus, mais qui peut aussi le ressaisir à tout moment (1). C’est ainsi que les élections exprimant la volonté populaire figée pour une durée fixe sont opposées aux sondages d’opinion qui en tiennent lieu dans la permanence. C’est de cette façon que les élus et les principaux responsables pourraient également être révoqués sur simple consultation du peuple, ou du moins d’une fraction représentative des citoyens. 

 

- Si je fulmine contre ces thèses, c’est qu’elles ne posent jamais ces deux questions fondamentales :

            * Peut-on comparer le sondage d’opinion au scrutin ? Ce dernier supposant un engagement qu’on ne peut révoquer sans mesures exprès, définies par la constitution, s’oppose à l’opinion publique évaluée selon des algorithmes opaques, et surtout émis dans l’instant et pour l’instant. Ajoutons que l’opinion est versatile - du moins celle dont se saisit le sondage (c’est du moins le point de vue des sondeurs eux-mêmes)

            * Peut-on gouverner un pays sans accorder aux gouvernants une légitimité dont la durée est pré-définie par la constitution ? L’idée qui s'impose est alors que le peuple souverain doit accepter de se dessaisir légalement de ses prérogatives - du moins s’il veut bénéficier d'un minimum d’efficacité exécutive.

- Entendons-nous : dans le système actuel le peuple n’est souverain qu’une fois tous les cinq ans, lors des scrutins présidentiel et législatif. Le reste du temps il est constitué de citoyens passifs.


La démocratie directe est un système qui veut réagir dans l’instant, peut donc être accepté de façon théorique. Mais les reproches qu’on lui fait d’impuissance car soumise aux soubresauts des émotions populaires ; et d’incompétence faute d’être guidée par les plus expérimentés (condamnés comme élites) – restent sans réponse.

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(1) Ce passage est inspiré du livre de Jean Bodin (1576) partiellement consultable ici.

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