vendredi 9 octobre 2020

Les mots et les choses – Chronique du 10 octobre

Bonjour-bonjour

 

Les rassuristes, les catastrophistes, qui se retrouvent en présentiel ou en absentiel… Ouf ! n’en jetez plus, la cour est pleine – pleine de néologismes qui sont apparus comme ça, un jour, sans crier Gare ! et qui vont disparaitre demain en même temps que les choses qu’ils désignent. Telle est la vie ordinaire du langage humain, et telle est la situation inédite créée par l’épidémie qui nous préoccupe tous depuis presque dix mois. Mais si neufs soient-ils ils doivent absolument se plier aux règles universelles de la langue.

- Comme par exemple d’intégrer chaque mot nouveau dans un système d’opposition qui le définit en le distinguant des termes voisins. Saussure disait : « Dans la langue, tout n’est que différence » et on voit bien qu’un mot nouveau se définit par opposition : le « rassuriste » s’oppose au « catastrophiste », de même que le « présentiel » s’oppose à l’« absentiel ».

- Mais il faut aussi que chacun de ces termes existe pour une communauté à l’intérieur de laquelle il circule. Car s’il est essentiel que ces mots soient en rapport avec une idée ou une chose nouvelle, il faut aussi qu’ils soient reconnus et utilisés avec toujours le même sens – ou plutôt avec la même intention signifiante. Je m’explique : quand je parle des rassuristes, j’entends non pas simplement des gens qui sont rassurants, mais plutôt des médecins (et non des membres d’une communauté Internet quelconques) qui apportent la caution de leur science pour minorer les pronostics anxiogènes de leurs confrères. Le suffixe -iste apportant quant à lui l’idée d'une communauté fermée et dont les affirmations sont peut-être sans valeur en-dehors de ses membres.

On pourrait s’interroger pourquoi tant de néologismes en ce moment : s’agit-il de fantaisies, sorte de snobisme lexical, juste utile pour se désigner membre d’une collectivité particulière qui se distingue des autres par sa façon de parler ? A moins qu’il s’agisse de montrer que tout est nouveau aujourd’hui, et que les mots du dictionnaire attachés à une époque révolue, sont périmés, désormais sans usage valable ? 

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