dimanche 4 octobre 2020

Alors mesdemoiselles, ça baille ? – Chronique du 5 octobre

Bonjour-bonjour

 

Marlène Schiappa raconte (ici) un débat familial avec sa fille qui revendique le droit de s’habiller comme elle le veut pour aller en classe. Alors que Marlène Schiappa affirme qu’on doit se conformer aux habitudes vestimentaires en fonction des activités (au travail comme çi, en vacances comme ça), sa fille rétorque que ce contre quoi elle veut lutter, ce sont les discriminations dans les règlements intérieurs. En gros, on interdit un short aux filles, mais on n'interdit pas ce même short aux garçons, ce qui selon elle est du sexisme. Et d’ajouter que « l’indécence est dans les yeux de celui qui regarde ». Ceci expliquant cela, on peut dire que si les filles sont soumises à des règles vestimentaires plus strictes que les garçons, c’est parce ces derniers sont envahis par leurs hormones quand ils les reluquent. Or c’est cela qui est à la base du sexisme. 

Que penser de cet argument ?

Je ne connais qu’un texte qui répond directement à cette question, c’est celui de Merleau-Ponty, qu’on pourra lire ici. Je résume : l’impudeur consiste soit à être exposé sans défense au regard étranger, soit s’exposer à ce regard en vue de le fasciner. L’impudeur rentre donc dans une dialectique du rapport à autrui, subissant sous le regard de l’autre de devenir un objet ou lui imposant sa suprématie de sujet « fascinant ». (1)

Somme toute, la fille de Marlène Schiappa proclame qu’il y a une troisième solution, qui consiste à dire que quand on s’habille et qu’on se montre aux autres en sortant dans la rue ou allant au collège etc., ce n’est pas pour être regardée, ni pour subir la concupiscence des garçons, non – c’est que ça plait et c’est tout. Quand bien même il n’y aurait personne pour être vue, ça serait exactement pareil.

- Alors, il est vrai que les femmes ont le droit de réclamer de la part des hommes une neutralité de réaction, quand bien même leurs hormones feraient bouillir leur sang. Après tout, quand en été sur la plage ces messieurs côtoient des dames à poil – ou presque – ils savent bien garder leurs distances. Je suppose que quand Alain Finkielkraut proteste contre le crop top en disant que ça le déconcentre, il manifeste des émois de puceau. A quoi bon protester contre le voile islamique supposé répondre aux exigences de la décence et puis après se dire soumis à des pulsions irrépressibles ? 

- Par contre, je voudrais bien demander à la fille de Marlène Schiappa si elle peut me jurer – les yeux dans les yeux – qu’elle n’a pas l’intention de fasciner en s’habillant de façon pareille ?  Elle doit bien le savoir, le corps aperçu dans l’entrebâillement du vêtement, c’est ça qui est érotique. Tout le monde sait ça depuis Roland Barthes : « L'endroit le plus érotique d'un corps n'est-il pas là où le vêtement baille ? C'est l'intermittence qui est érotique : celle de la peau qui scintille entre deux pièces ; c'est le scintillement même qui séduit ou encore : la mise en scène d'une apparition /disparition ».



 

 

Alors, mesdemoiselles, ça baille ?

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(1) Dans la fin de son exposé, Merleau-Ponty reprend la dialectique du maitre et de l’esclave montrant l’aporie de cette fascination.

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