dimanche 11 octobre 2020

La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie – Chronique du 12 octobre

Bonjour-bonjour

 

Sur le retour de Sophie Pétronin, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer, mais si j’y retourne aujourd’hui, c’est en raison des déclarations qu’elle a faites en arrivant en France, disant : « Pour le Mali, je vais prier, implorer les bénédictions et la miséricorde d’Allah, parce que je suis musulmane. Vous dites “Sophie”, mais c’est “Mariam” que vous avez devant vous ! ». A ce moment il y a eu un malaise, même si la grosse machine à sanglots déployée par les chaines d’info a continué à tourner, jonchant le tarmac de Villacoublay de pétales de roses. 

Dans le même temps, alors que son fils la voit comme une opportuniste, se convertissant pour survivre (1), les médias d’extrême droite la désignent comme étant une djihadiste, stigmatisant son refus de qualifier ainsi des geôliers. Mais de toute part on critique le fait que sa libération ait nécessité celle de 200 djihadistes : que vaut la vie d’une citoyenne française ?

 

- Si la question est de savoir si la conversion à l’islam de Sophie Pétronin est sincère ou seulement opportune, seuls les sondeurs de cœurs et de reins pourront répondre ; si par contre elle est de dire combien vaut la vie d’un otage, alors oui, on peut s’interroger.

Oui, mais pour dire quoi ? Il n’y a pas de marché pour définir le prix d’une vie, et par définition elle vaut « tout l’or du monde ». Les laboratoires pharmaceutiques qui sont les seuls spécialistes de la chose le savent : à supposer qu’ils aient un médicament qui sauve la vie de ceux qui le prennent lorsqu’ils ont un cancer bien avancé, le prix du médicament est la totalité de la fortune des clients. Dans les pays riches c’est plusieurs centaines de milliers de dollars ; dans les pays pauvres, c’est beaucoup moins – pour revenir à notre propos, c’est la raison pour laquelle on n’enlève généralement pas les citoyens des pays pauvres.

Seulement le cas de Sophie Pétronin est différent : car elle a été échangée contre d’autres vies, celles des combattants libérés. Ici on pourrait s’interroger : dans le cas de l’échange d’espion durant la guerre froide, c’était une vie contre une vie, un pour un – le marché est honnête. Mais dans le cas présent c’est une vie pour 200 : marché de dupe ? 

Alors, il faut rappeler que cet échange a été négocié par la junte au pouvoir au Mali, que l’opposant politique Soumaila Cissé faisait partie de l’échange, ainsi que deux autres otages : beaucoup d’autres variables ont dû être prises en considération. Ce qui ne résout pas le problème, car de toute façon on ne pourrait le résoudre qu’à condition d’oublier que la vie d’un être humain n’a pas de prix.

« La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie » disait Malraux (2)

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(1) « Elle a eu raison. Quand on s'apprête à vivre ce genre d'aventure, on a plutôt intérêt à se familiariser avec les us et coutumes et essayer d'être plus dans l'acceptation, la compréhension. (…) A court ou moyen terme elle va vivre à Neuchâtel avec notre famille, à la neuchâteloise, donc je vais pas l'appeler Mariam » (déclaration du fils de Sophie Pétronin lue ici)

(2) Belle citation dont Alain Souchon a fait une chanson (écoutez ici)

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