Bonjour-bonjour
Connaissez-vous « le droit à l’erreur » ? Non, pas celui des excuses foireuses des jeunes gens mal éduqués et qui ont fait un peu trop de bruit samedi soir. Non : il s’agit du droit à l’erreur que le gouvernement accorde à tous les citoyens, et qu’il vient de populariser via un site dédié sur Internet.
Vous voulez en savoir plus ? Allez donc voir sur oups.gouv.fr
J’y suis allé. Là j’ai rencontré Monsieur Oups !
Monsieur Oups ! est très sympa, le genre de garçon nextdoor qu’on inviterait bien au débotté pour un apéro dinatoire – et plus si affinités. Mais Monsieur Oups ! parle aussi. Il nous explique qu’on est tous pareils, tous capables d’oublier ou de ne pas toujours tout comprendre et donc de faire une erreur. D’ailleurs le site oups.fr le montre : l’erreur peut être en notre défaveur comme lorsqu’on oublie de faire valoir nos droits à exonération d’impôts ou de taxes. Sauf que là ce n’est pas à proprement parler un « droit », mais plutôt une recommandation à ne pas se priver soi-même d’un droit.
--> Par contre, l’erreur qu’il ne faudrait pas commettre serait elle qui consiste à frauder le fisc. « Pouah ! dit Monsieur Oups ! : frauder le fisc, c’est pas beau ça ! » : plus qu'une erreur, ce serait une faute ! Mais comme l’a expliqué le prof de philo de notre fils, Errare humanum est, on ne peut nous condamner pour ce qui relève de notre nature : nous n’en sommes pas responsables. Sauf qu’à réitérer, ça devient plus grave : Perseverare diabolicum comme disait Sénèque : du coup, on passe l’éponge pour la première fois, et puis tout de suite après, la matraque.
… Le gouvernement a de la chance d’avoir des communicants si créatifs : moi je n’aurais pas pensé à inventer Monsieur Oups ! Quoique… Est-ce bien sérieux ? Reportez-vous au site des Dernières Nouvelles d’Alsace, vous y trouverez une analyse détaillée de cette onomatopée ; ils ont même mobilisé une psychanalyste, c’est vous dire ! Et la voilà qui vous explique que dire « Oups ! » suite à une erreur qu’on vient de commettre est particulièrement violent. Oui : violent. « Nous sommes des êtres de langage, les mots sont une façon de reconnaître l’autre. Le “oups” ne reconnaît que son action à soi, pas la sensibilité de l’autre, c’est en cela qu’il est violent. »
Alors, messieurs du gouvernement, vous laissez passer ça ? Et vous rétribuez grassement les communicants qui ne pensent même pas que les mots ont un sens ?
Isabel Korolitski, notre psychanalyste, qui est une gentille personne, excuse pourtant ces messieurs : « Oups ! » s’inscrit dans la tendance langagière qui privilégie les formules toutes faites – « pas de souci », « que du bonheur » – au détriment du sens : « Ce sont des codes que l’on adopte sans les interroger, parce qu’ils nous inscrivent dans l’air du temps
Pas de souci : nous avons des psychanalystes pour nous rassurer. Avec le gouvernement qui veille sur nous, c’est que du bonheur.
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