mercredi 7 octobre 2020

Droit de vie ou de mort à la télévision iranienne – chronique du 8 octobre

Bonjour-bonjour

 

Une jeune femme condamnée à mort pour le meurtre son mari, ne peut espérer être sauvée que par la fille de ce dernier : pardonnée, elle est graciée ; si le pardon lui est refusé, elle part pour le gibet. Mais si le pitch de Yalda, la nuit du pardon de Massoud Bakhshi fait passer des frissons dans le dos, c'est parce que c’est au cours d’une émission télévisée que le pardon lui sera ou non accordé

Quelle horreur ! Imaginez cette émission où une femme risque d’être pendue à l’issue de l’émission si elle ne parvient pas à arracher le pardon de sa belle-fille. Dernière séquence : elle échoue et ça tourne mal pour elle : la voici qui quitte le plateau dans un fondu au noir des caméras, avec une musique bien funèbre – elle part pour le gibet.

 


Reconstitution du Gibet de Montfaucon, tel qu’il exista à Paris du XIème au XVIIème siècle.

 

Rassurez-vous, chers lecteurs, ceci n’est que le pitch d’un film, donc une fiction. Mais ne vous réjouissez pas trop quand même, car voici ce que déclare le réalisateur : « Je me suis inspiré d’une véritable émission télévisée iranienne, même si j’ai adapté la réalité pour réaliser la fiction ». Il s’agit de Mah-e Asal, émission qui a été diffusée de 2007 à 2018 pendant le mois du Ramadan devant des millions de téléspectateurs. « J’ai tout exagéré, insiste le cinéaste, mais plusieurs amis m’ont dit, mi-figue mi-raisin, que je devrais déposer le concept de l’émission qui pourrait être exploité, notamment aux États-Unis » (Lu ici)

… Même aux États-Unis : Ah bon ? J’imaginais une telle émission en Iran, avec et un public cruel et affamé de spectacle de lapidations, tortures et autres abominations. Et voilà qu’on nous dit que les américains seraient consommateurs de tels produits ? Je leur imaginais un estomac plus sensible ! Oui, mais quand même, ce qui pourrait fonctionner aux US, c’est ce concept de pardon en public, parfaitement adapté aux émotions basiques procurées par la télé réalité.

Mais alors ce genre d’émission existe peut-être déjà ? Si c’est en effet bien adapté au goût du public américain, on imagine sans peine un couple en crise devant les caméras, le mari infidèle racontant devant sa femme ses turpitudes et la suppliant avec des sanglots dans la voix de lui accorder son pardon, pour l’amour qu’il lui porte et pour celui de leurs enfants éplorés.

Oui, ça doit bien fonctionner, donc ça doit exister. Sauf que le concept, ce n’est pas tant le pardon que ce qui suit l’émission : quand le candidat quitte le plateau après avoir soit gagné soit perdu son défi,  il ne doit pas partir comme il est arrivé

Dans le film iranien, la femme qui n’a pas obtenu le pardon de sa belle-fille part pour la pendaison.  Dans son adaptation américaine, soit le mari infidèle repart enlacé avec sa chérie qui lui a accordé son pardon, soit il part seul, courbé sous les huées du public, et si possible avec un signe d’infamie indélébile qui va le signaler dans le rue.

Certes, cette émission n’existe pas, mais on peut supposer que son concept est déjà déposé, et que le réalisateur n’attend pour la mettre à l’antenne que l’opinion ait suffisamment évolué.

Et c’est peut-être pour dans pas longtemps. 

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