vendredi 2 octobre 2020

La roue de la fortune – Chronique du 3 octobre

Bonjour-bonjour

 

La contamination du président Trump par le coronavirus – ainsi que son hospitalisation –  inspire les pires quolibets sur les réseaux sociaux. C’est tellement facile et tellement petit d’attaquer un homme déconfit. Mais il y a quand même un tweet qui donne à réfléchir, c’est celui-ci : « Trump qui attrape le Covid juste après s’être moqué de Biden qui porte des masques, c’est tellement 2020 ».

Oui, voir des situations parfaitement établies se retrouver les pattes en l’air en l’espace d’un instant ; des pronostics démentis, des hommes qui étaient en haut de l’échelle être jetés en bas : depuis le début de l’année nous assistons, parfois incrédules, parfois effrayés, à ces bouleversements.

Mais il ne s’agit que du retour d’une très ancienne conception de la vie sociale, telle que le Moyen-âge en a élaboré, et connus sous le nom de « Roue de la fortune » :

 


 Hortus deliciarum, XIIème siècle


"Notre nature, la voici, le jeu interminable auquel nous jouons, le voici : / tourner la Roue inlassablement, prendre plaisir à faire descendre ce qui / est en haut et à faire monter ce qui est en bas." Boèce Consolation Philosophie (II, prose 2). Ici, Fortune actionne la roue depuis son trône, tandis que les puissants qui règnent sur le monde doivent s’apprêter à en tomber. C’est bien sûr un thème chargé d’idéologie, puisque la déchéance des puissants qui détiennent le pouvoir temporel est un thème répandu par l’Église du Moyen-âge. 

 

Mais pour nous, cette idée que rien n’est jamais établi, ni la misère, ni la fortune, que tout change et que rien ne nous permettra de conserver notre positon dominante et très étonnante, parce qu’elle contredit notre prétention à tout prévoir et à tout contrôler. C’est cela que nous a appris l’année 2020 : non seulement notre prétention à prévoir le futur immédiat est démentie, mais même imaginer les titres de la presse du lendemain est fort risqué.

Alors, faute de prévoir l’imprévu, pouvons-nous au moins y parer ? L’épidémie de la covid nous montre que c’est impossible. Le champ des possibles s’est d’un seul coup ouvert largement sur des horizons terrifiants.

 

Souvenons-nous qu’au Moyen-âge alors que les prévisions n’étaient pas très fiables, le plus sûr était de s’en remettre à Dieu et à ses saints ; peut-être devrions-nous faire de même ?

Mais les opposants à Donald Trump y ont déjà pensé : à l’annonce de son hospitalisation certains ont twitté « Ruth Bader Ginsburg vient d’avoir sa première audience avec le Bon Dieu ». (2)

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(1)  On imagine aujourd’hui que cette roue dont l’image reste vivante à travers le jeu de « Truc à gratter » ne peut que faire monter et jamais descendre. On laisse de côté le jeu de Tarot et la signification que cette carte y prend).

(2) Ruth Bader Ginsburg est cette juge de la Cour Suprême américaine, icône de la défense des femmes qui vient de mourir et que le Président s’efforçait de remplacer par une personnalité ultra-conservatrice

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