mercredi 14 décembre 2022

Des joies simples et pures… - Chronique du 15 décembre

Bonjour-bonjour

 

« Des joies simples et pures » : tel est le commentaire du Président de la République pour décrire l’effet produit par la qualification de la France hier en demi-finale de la coupe du monde de football. 

Pour qui a en mémoire les débordements des supporters des clubs dans les gradins du stade, les déferlements de nationalisme haineux dans les bars avoisinants, on est un peu stupéfait : la politique, dont on disait qu’elle ne devait pas se mêler de sport, viendrait-elle à son secours pour le laver « plus blanc » ? Ou bien y aurait-il dans la victoire quelques chose de salvateur qui tournerait l’âme vers la joie sans arrière-pensées ?


o-o-o


La joie : tel est le mot qui change tout : car il ne s’agit pas de jouissance perverse devant les larmes de l’ennemi ; je crois que les propos du Président nous invitent à oublier le football avec ses passions et ses intrigues : il s’agit de vivre pleinement et uniquement ce moment privilégié qu’est la joie apportée par la victoire.

Et c'est vrai : la victoire est un moment qui peut être entièrement pur, dans la mesure où il n’est fait que de la libération des élans profonds et de la sensation de perfection qui l’accompagne. 

- La perfection serait donc possible ? Sans doute dans la mesure où, bien qu’inaccessible elle est malgré tout éprouvée lors du succès - et on en a la preuve avec l’oubli total et assumé des échecs passagers subis au cours du match : oubliés les passes ratées, les penalties passés à côté, les fautes sur les adversaires : seule la victoire est belle parce que, quand elle est là, il ne reste plus qu’elle.

 

o-o-o



Vu ici (1)

 

Bien sûr en face, la tristesse et les larmes : dans l’échec il n’y a que l’échec – perdus les exploits qui n’ont servi à rien : dans cet instant l’équipe défaite est toute entière réduite à néant. Oh, bien sûr il y a les propos consolateurs, qui peuvent même être objectifs, et qui abondent ; sans doute les grands champions sont ceux qui relèvent très vite la tête : la revanche est pour bientôt ! 

Mais l’effet de l’échec est, tout comme celui de la victoire, une forme de transmutation, l’être vivant et conscient devenant de part en part cet objet - merveilleux ou lamentable - mais qui, comme objet aliène totalement le sujet.

Sartre a fait de cette situation une analyse existentialiste bien connue par ailleurs. (2)

-------------------------

(1) En fait il s’agit des larmes d’une photographes marocaine après la défaite des Lions de l'Atlas en ouverture de la CAN de 2019.

(2) « C’est comme objet que j’apparais à autrui » écrit Sartre dans l’être et le néant à propos de la honte. Voir le texte ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire