Bonjour-bonjour
Vous le savez le mois de janvier est de triste augure, avec ses privations annoncées : c’est le mois « sec » (dry january) qui, au nom de la préservation de votre santé, vous intime l’ordre de ne pas toucher aux bouteilles d’alcool pendant le mois entier.
Chez ceux à qui cette injonction est insupportable, le risque est grand de les voir refuser de tenter cette aventure, certains qu’ils sont de capituler avant terme. « Tant qu’à faire d’avoir mauvaise conscience en renonçant à l’abstinence, autant ne pas commencer. Comme ça on aura bien sûr des remords, mais on aurait de tout façon les mêmes que ce soit pour un simple jour d’abandon ou pour le mois entier. »
Les responsables évitent ce risque avec le « dump (= humide) january », en lieu et place du « dry (= sec) january ».
Autrement dit, si en janvier vous repicolez un jour ou deux, ça n’annule pas les bienfaits des autres jours sans alcool.
Ecoutez Katie Witkiewitz, addictologue : « Même modeste, une réduction de la consommation d'alcool peut améliorer la tension artérielle, la santé mentale, et celle du foie. Elle peut également atténuer le risque de cancer et de maladie cardiovasculaire. (…) Toute réduction de la consommation d'alcool est associée à une diminution des risques pour votre santé. Même si vous n'avez pas bu seulement pendant un jour, c'est déjà ça. »
Katie Witkiewitz a opté pour l'alternative du « damp January ». Elle s'est fixée l'objectif de baisser sa consommation d'alcool de 50% (boire deux fois moins souvent et diviser par deux la quantité). Rapidement, elle a observé des bienfaits : « Mon sommeil s'est amélioré, j'avais meilleure mine et j'avais plus d'énergie. Ce mois de janvier 2023 m'a fait découvrir un autre mode de vie, et c'était agréable !»
Bon, on note la promesse : moins de désagrément et au total plus de plaisir : le bilan est positif.
What else ?
Éh bien, on note que l’on reste dans une règle de vie strictement épicurienne.
Vous savez que pour Épicure le plaisir est la valeur à la quelle toute vie doit tendre, le renoncement ne pouvant être accepté qu’à raison de la diminution des douleurs que certains plaisirs pourraient occasionner.
Écoutons Épicure : « Mais, précisément parce que le plaisir est le bien primitif et conforme à notre nature, nous ne recherchons pas tout plaisir, et il y a des cas où nous passons par-dessus beaucoup de plaisirs, savoir lorsqu’ils doivent avoir pour suite des peines qui les surpassent » On est dans un système où le bilan positif entre plaisir et douleur est la règle à suivre. « Il y a des douleurs que nous estimons valoir mieux que des plaisirs, savoir lorsque, après avoir longtemps supporté les douleurs, il doit résulter de là pour nous un plaisir qui les surpasse. » (Ces citations proviennent de la Lettre à Ménécée, à lire ici)
Force est de le constater : nous restons dans une logique de boutiquier, ou si vous préférez une référence plus reluisante, de capitaliste. Pour chaque effort, nous voulons un « retour sur investissement » ; que nos privations soient porteuses de promesses de jouissances que nous n’aurions pas vécues sans elles.
Et si nous renonçons aux plaisirs de l’ivresse, ce n’est pas pour une vie plus vertueuse, mais parce que, comme le dit Katie Witkiewitz, ça nous ouvre à de nouveaux plaisirs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire