vendredi 12 janvier 2024

Faites chauffer la colle ! – Chronique du 13 janvier

Bonjour-bonjour

 

On imagine que les réserves des musées sont pleines d’œuvres laissées de côté parce que moins attractives que celles qu’on expose. C’est vrai, mais il y a aussi toutes les œuvres endommagées qui attendent des crédits pour être restaurées. Et je ne vous apprendrai rien en vous disant que les plus difficile à trouver dans un musée, ce ne sont pas ces pièces qu’on juge uniques ; le plus rare ce sont les crédits.

A Reims on a eu une idée fort intéressante : demander au public de choisir dans une liste de 15 œuvres également endommagées de choisir celle qui sera restaurée en priorité.

Catherine Arnold, à la tête de la régie des œuvres du musée des beaux-arts de Reims (Marne), a expliqué ce qu'il en est : « Ces œuvres sont choisies en dehors de notre plan pluriannuel de restauration. Normalement, elles ne seront pas restaurées dans les prochaines années. » (Lire ici)

Voici un exemple de restauration indispensable : 

 

 

Vase fabriqué en 1894 et brisé en 1980 (état actuel)

 

A-t-on raison de questionner le public, par définition incompétent en conservation d’œuvres d’art ?

D’abord, remarquons qu’étant donné que la nécessité de restaurer l’objet est indéniable (cf. image ci-dessus), seule sa priorité est en question : comment savoir ce qui doit être prioritaire ? On songe à ces service d’urgence hospitalière durant les guerres où l’on doit choisir entre qui sera sauvé et qui ne le sera pas : dilemme cornélien ? Pas pour les hôpitaux qui disposent d’une charte permettant de choisir les victimes à sauver selon des critères d’âge et de chance de survie. Par contre, c’est beaucoup plus délicat pour les œuvres d’art. Ne sont-elles pas uniques et incomparables ? Doit-on répondre à une attente du public (ce que suggère le sondage en cours), qui risque d’être versatile et soumise à des modes ? Et puis faut-il tout restaurer ? N’y a-t-il pas des œuvres dont l’état de dégradation ne permet pas d’espérer un résultat probant – à moins de les refabriquer à neuf laissant croire qu'elles sont anciennes ?

Ce qui fait que la question posée au début se transforme en une autre tout aussi problématique : jusqu’où faut-il restaurer ? On le voit avec nos cathédrales gothiques : si la cathédrale de Reims a un aspect présentable, combien de sculptures de sa façade sont d’époques – et combien sont dues aux ciseaux de sculpteurs modernes ? Est-ce loyal de faire croire que toutes les statues de la façade sont du 13ème siècle ? La restauration en cours de la cathédrale Notre-Dame de Paris le confirme : pas question de transformer l’aspect de ce monument connu dans le monde entier : sa flèche restera ce que Viollet-le-Duc en a fait. Et qu’importe que ça ne coïncide pas avec un modèle d’origine ? Ce qui compte c’est ce que l’on attend du passé (avec son pittoresque et son exotisme) et pas ce qui a été fait et voulu autrefois.

Bien sûr, à l’opposé de ces propos, une doctrine actuelle affirme que toute restauration doit être fidèle et rester apparente ; mais faut-il y croire vraiment ?  Ce qui est sûr, c'est que ça n’a pas toujours été respecté : rappelons que la Victoire de Samothrace est arrivée au Louvre dans 3 caisses, pilée en petit morceau et privée de l’une de ses ailes. Croyez-vous qu’on l’admirerait autant si ses replâtrages étaient apparents ?

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