Bonjour-bonjour
Les célébrations d’évènements mémoriels qui font appel à des reconstitutions et à des évocations peuvent interroger : par exemple, pourquoi faire revivre le débarquement allié de juin 1944 ? Dans la vie quotidienne ces souvenirs ont-ils une quelconque importance ?
Ces questions soulèvent le problème du mode d’existence du temps dans notre conscience, qu’il s’agisse du présent du passé ou du futur. On sait que Saint Augustin estimait que le seul mode d’existence du temps était le présent, durée évanescente et décliné selon trois modalités : le présent qui ne fait que passer ; le passé qui est un présent qui est devenu néant ; le futur qui est un néant qui tend à advenir.
Nous avons dit que ces commémorations supposaient un retour vers le passé. Mais encore faut-il qu’il y ait un passage entre le présent et le passé : soit on sort du stock de souvenirs ceux qui comportent des images de ces évènements passés ; soit on constate qu’il n’y a pas besoin de retourner vers le passé, parce qu’il y a survivance du passé dans le présent. C’est un passé qui n’est pas passé.
- En effet, les souvenirs sont parfois du présent gelé, enchâssé dans une durée qui, bien que passée, reste ancrée dans le présent, comme si aucune rupture n’avait eu lieu, comme si aucun changement ne pouvait le rendre périmé. J’évoquais hier les cérémonies commémorant le débarquement du 6 juin 44 avec le terme de « jubilé » – et c’est bien cela qu’évoque le jubilé : « Un jubilé est une fête marquant un intervalle de 50 ans et aussi l'anniversaire joyeux d'un événement dont les effets se prolongent dans le temps (règne, mariage, etc.). » (Lu ici)
- Je disais que les souvenirs sont parfois vécus comme du présent parce qu’ils restent en communication directe avec lui ; mais le plus souvent les souvenirs sont vécus comme du déjà-plus, images de ce qui est irrémédiablement anéantis. Quoiqu’ils restent présents dans la mémoire ils sont affectés de l’indice du néant ; la nostalgie se nourrit de cette sorte de souvenirs. Les anniversaires participent de l’évocation de ces souvenirs : « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle » dit la vieille femme se souvenant de ce passé perdu à jamais, et dont le souvenir est le seul mode d’existence. Lui perdu, plus rien en reste.
- Reste quand même un dernier problème : qu’est-ce qui explique que certains évènements du passé restent gravés dans nos mémoires comme s’ils venaient de se dérouler ; et réciproquement pourquoi certains souvenirs sont frappés de ce coefficient d’irréversibilité et de nostalgie ?
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