Bonjour-bonjour
Peu avant sa mort, Alain Delon avait développé la façon dont il concevait son rôle au cinéma : il est un acteur qui joue avec ses émotions, ses « tripes » comme on dit, et non un comédien qui a appris dans des écoles l’art de les simuler.
C’est une distinction qui remonte à l’origine du théâtre dans notre civilisation : voyons ça.
- Lorsque Racine produisait ses tragédies, la mise en scène était sans doute on ne peut plus simple. Les acteurs devaient dire le texte de Racine et les meilleurs étaient ceux qui déclamaient le mieux. Quant au décor c’était un salon doré et les comédiens évoluaient sous des lustres de cristal.
Ce qui signifie que l’essentiel de la pièce était non dans le jeu des comédiens mais dans le texte qu’ils avaient à dire. Lorsque nous lisons Phèdre, silencieusement, dans le calme de notre chambre, nous avons-là le tout de l’œuvre et il est inutile de recourir au talent de l’actrice issue de la Comédie française.
- Avec le cinéma, c’est l’expression du visage, les attitudes corporelles qui l’emportent sur la diction : les comédiens se transforment un acteur pour les quels avoir 15 kilos de trop pour jouer le Cid serait rédhibitoire. Dans ses interview Delon va plus loin : il joue avec ce qu’il est : le Samouraï, c’est lui ; Tancrède du Guépard, c’est lui ; Monsieur Klein c’est encore et toujours lui. Il n’est pas devenu tous ces personnages, il l’était déjà, la métamorphose étant une simple révélation. Le femme amoureuse du Delon-voyou risque de se réveiller au matin avec un Delon-flic dans son lit.
Ça a ses limites : quand Björk a joué Dancer in the dark elle a bien failli y laisser sa santé mentale à force de s’identifier au personnage principal.
C’est ça le risque du métier.
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