mercredi 16 mai 2018

LES SALARIÉS ET L’INVESTISSEMENT DANS L’ENTREPRISE DÉFAVORISÉS PAR RAPPORT AUX ACTIONNAIRES

Question : Selon un rapport rendu public par OXFAM, les groupes du CAC 40 auraient transféré 67.5% de leurs bénéfices à leurs actionnaires depuis 2009, tandis que les salariés n'en récupèrent que 5% au titre de l'intéressement et de la participation, et que 27.5% sont disponibles pour l'investissement. Comment expliquer un tel résultat ? Derrière la condamnation morale de celui-ci, quel est le processus économique qui le rend possible ?
Réponse : Dans un premier temps, il faut bien noter que l'on parle ici de la répartition des bénéfices, qui sont théoriquement, de toute façon, réservés aux actionnaires.
On peut se poser la question de la répartition entre dividendes et investissements, mais la partie pour les salariés est par nature relativement modérée parce qu'ils ne sont pas censés récupérer la part du capital. Cela reste un point que l'on a un peu tendance à oublier dans ce débat.
Après il y a cette idée à gauche que le dividende serait le mal absolu alors que le réinvestissement dans l'entreprise serait très bien, mais fondamentalement, cela est la même chose : pour les actionnaires, que leurs actions valent plus chères ou qu'on leur verse des dividendes, c'est quasiment la même chose.
(Décryptage atlantico – ici)
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Ce que ces remarques font valoir, c’est que la polémique déclenchée par les employés d’Air France entretient la confusion, mais qu’il reste  vrai que, de toute façon, le capital conserve sa capacité à tirer des profits copieux de la situation financière de l’entreprise, du moins lorsque celle-ci est bénéficiaire. Car ou bien ce sont les dividendes qui rémunèrent le capital, ou bien c’est la valeur des actions. Certains diraient que ce sont les deux, mais on objectera que moins il y a de dividendes et plus il y a d’investissement donc plus les actions gagnent en valeur (si du moins ces investissements sont rentables).

- Seulement voilà : à Air France les pilotes contestent cette répartition parce qu’elle les oublie. Ils estiment qu’ils sont comme des actionnaires qui apporteraient leur travail et leur compétence en lieu et place de l’investissement en capital : si le capital doit profiter des résultats positifs de l’entreprise, ils le doivent également. S’ils ont dû renoncer à des hausses de salaires lorsque l’entreprise allait mal, c’était au même titre que les actionnaires qui renonçaient à des dividendes. Maintenant que cela va mieux on ne peut augmenter ces derniers sans augmenter leurs salaires.
Tout cela est lourdement didactique, je l’avoue. Mais ce que je souligne par là c’est que les salariés ne contestent plus du tout la logique capitaliste de l’entreprise, contrairement à ce que faisait la génération mai-68. Plus de nationalisation, plus d’autogestion, plus de révolution prolétarienne : rien que de l’investissement et du retour sur investissement.

Reste qu’il faudrait être encore plus « lourdement didactique » pour faire avaler ça aux hôtesses de caisse de Carrefour.

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