Question :
Selon un rapport rendu public par OXFAM, les groupes du CAC 40 auraient
transféré 67.5% de leurs bénéfices à leurs actionnaires depuis 2009, tandis que
les salariés n'en récupèrent que 5% au titre de l'intéressement et de la
participation, et que 27.5% sont disponibles pour l'investissement. Comment
expliquer un tel résultat ? Derrière la condamnation morale de celui-ci, quel
est le processus économique qui le rend possible ?
Réponse :
Dans un premier temps, il faut bien noter que l'on parle ici de la répartition
des bénéfices, qui sont théoriquement, de toute façon, réservés aux
actionnaires.
On peut se poser la question de la répartition entre dividendes
et investissements, mais la partie pour les salariés est par nature
relativement modérée parce qu'ils ne sont pas censés récupérer la part du
capital. Cela reste un point que l'on a un peu tendance à oublier dans ce
débat.
Après il y a cette idée à gauche que le dividende serait le
mal absolu alors que le réinvestissement dans l'entreprise serait très bien,
mais fondamentalement, cela est la même
chose : pour les actionnaires, que leurs actions valent plus chères ou
qu'on leur verse des dividendes, c'est quasiment la même chose.
(Décryptage atlantico – ici)
o-o-o
Ce que ces remarques font valoir, c’est que la polémique
déclenchée par les employés d’Air France entretient la confusion, mais qu’il
reste vrai que, de toute façon, le
capital conserve sa capacité à tirer des profits copieux de la situation
financière de l’entreprise, du moins lorsque celle-ci est bénéficiaire. Car ou
bien ce sont les dividendes qui rémunèrent le capital, ou bien c’est la valeur
des actions. Certains diraient que ce sont les deux, mais on objectera que moins
il y a de dividendes et plus il y a d’investissement donc plus les actions
gagnent en valeur (si du moins ces investissements sont rentables).
- Seulement voilà : à Air France les pilotes contestent
cette répartition parce qu’elle les oublie. Ils estiment qu’ils sont comme des
actionnaires qui apporteraient leur travail et leur compétence en lieu et place
de l’investissement en capital : si le capital doit profiter des résultats
positifs de l’entreprise, ils le doivent également. S’ils ont dû renoncer à des
hausses de salaires lorsque l’entreprise allait mal, c’était au même titre que
les actionnaires qui renonçaient à des dividendes. Maintenant que cela va mieux
on ne peut augmenter ces derniers sans augmenter leurs salaires.
Tout cela est lourdement didactique, je l’avoue. Mais ce que
je souligne par là c’est que les salariés ne contestent plus du tout la logique
capitaliste de l’entreprise, contrairement à ce que faisait la génération
mai-68. Plus de nationalisation, plus d’autogestion, plus de révolution prolétarienne :
rien que de l’investissement et du retour sur investissement.
Reste qu’il faudrait être encore plus « lourdement
didactique » pour faire avaler ça aux hôtesses de caisse de Carrefour.
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