Il m’arrive
de rêver que les philosophes des Lumières reviennent de nos jours, sans y avoir
été préparés, et donc avec leurs opinons, leurs préjugés et leurs certitudes
d’époque.
- Imaginez un
instant Montesquieu : « Il ne
faut pas faire par la loi ce qu’on peut faire par les mœurs » dit-il
en ouvrant son journal. Et le voilà qui tombe sur cette information :
« La Commission de Bruxelles propose de conditionner tous les fonds du
budget au respect, par les gouvernements, de l’Etat de droit… Dans le viseur de
Bruxelles : la Pologne, la Hongrie, Malte ou la Roumanie. » (Lu ici)
Il
sursaute – et une fois qu’on lui a expliqué qu’il s’agit d’une « Fédération »
des Etats européens, librement associés et organisés selon une constitution
votée démocratiquement, il tombe carrément de son fauteuil. « Quoi ? Cette
libre association obéit aussi à des rapports de force ? On admet qu’on
puisse se dégager du respect des règles démocratiques grâce à des pénalités
financières ? Car enfin, que ces valeurs vénérables qui fondent l’Etat de
droit puissent être soumises à un marchandage de boutiquier, voilà qui situe à
un niveau déplorable de conscience morale ces grands Etats et leurs souverains ».
Laissons
Montesquieu remonter dans le char du temps : il part vers un avenir encore
plus lointain pour vérifier que les principes universels y sont mieux respectés
qu’aujourd’hui – et songeons à sa réaction. Oui, le niveau de moralité d’un
peuple, défini par les valeurs soutenues par les dirigeants qu’il choisit de
mettre au pouvoir, est sans doute un indicateur essentiel encore que méconnu.
Quand on nous parle des migrants qui se pressent à nos frontières, et qui
viennent parfois mourir de faim et de froid dans nos rues, nous ne pensons qu’à
l’argent que ça nous couterait de les sauver – et plus généralement aux effets
(forcément nocifs) que leur présence aurait sur l’économie. Morale de
boutiquier ! Supposez que vous créeriez une taxe sur les sodas pour
alimenter un fonds de secours aux migrants : voyez comment ça va
réagir !
- Mais
Montesquieu aurait encore une autre raison de se désoler : voyant les Identitaires se masser aux frontières
pour interdire l’accès au territoire et même occuper les mosquées pour faire cette
fois barrage non pas aux hommes mais à leurs Dieux, alors s’effondrerait sa foi
dans le progrès : non, dirait-il, les appels à la tolérance, qu’ils
viennent de Locke ou de Voltaire ne servent désormais à rien. Le fanatisme et
le désir de massacrer ceux qui croient autrement sont réellement les plus
forts.
Et nous, qui
connaissons Darwin, nous ajouterions : « Qui sait ? Peut-être
est-ce cela qui a accompagné et soutenu l’évolution de l’espèce ? »
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