jeudi 10 décembre 2020

La condition des femmes… - Chronique du 11 décembre

Bonjour-bonjour

 

« La condition des femmes est l’aune à laquelle on mesure l’évolution de la société », qui donc a dit ça ? Impossible de retrouver la source, encore que selon ma mémoire ce soit Marx. Ou Engels ? Bref, l’idée est de toute façon lumineuse : ce sont les femmes qui dictent le tempo de l’histoire, et surtout ce sont elles qui indiquent quelles sont les évolutions irréversibles. A une époque où les femmes tout en célèbrant les avancées sociales qu’elles ont conquis de haute lutte depuis 50 ans, observent qu’il leur faut encore lutter pour les conserver, on peut s’interroger sur le bien-fondé de cette thèse.

- Dans notre époque deux changements majeurs ont marqué l’évolution de la condition des femmes, changements qui pourraient correspondre à des modifications profondes et donc définitives des sociétés. Il s’agit d’abord du droit à disposer de leur propre corps : puisque l’habeas corpus est purement juridique, les femmes restaient soumises à leur père puis à leur mari qui, après les avoir réduites au rôle de génitrices, exerçaient un pouvoir exclusif sur la procréation, en « arrangeant » les mariages, puis en contrôlant leur vie sexuelle ; de sorte que, comme on l’a dit parfois, la femme n'est qu'un ventre... dont elle ne dispose même pas ! On comprend que l’invention de la pilule, et puis le droit à l’avortement, aient été célébrés comme évolutions radicales de la vie des femmes. 

Une évolution en entrainant une autre, on observe que c’est là ce qui a permis aux femmes… de se consacrer entièrement au travail salarié, ce travail qui n’a pas été conçu uniquement pour permettre aux femmes de rester à la disposition de l’homme et des enfants.

Accéder au salariat : telle a été la seconde modification radicale dans la vie des femmes. On a ironisé là-dessus en disant que ce beau progrès permettait simplement aux femmes de changer de maitre, passant de la domination d’un patriarche à celle d’un patron. Mais ce n’est peut-être pas si simple, car ce changement économique dans la vie des femmes marque aussi un changement dans leur position sociale. Certes les femmes ont toujours travaillé, mais sans effet sur l’argent dont elles disposaient : ni la fermière, ni la femme de ménage, ni l’épouse n’ont jamais touché de salaire. Or, c’est celui-ci qui en assurant leur indépendance financière a permis aux femmes de s’émanciper de leur dépendance à l'égard des hommes.

En admettant que ces deux avancées soient décisives, on peut encore se demander si elles marquent l’issue définitive des combats féministes ? Autrement dit : y a-t-il encore du chemin à parcourir ? Et si oui, dans quelle direction s’orienter ?

Je ne répondrai que succinctement compte tenu de la modestie de cette contribution. Il me semble que les femmes ont encore à conquérir l’être-sujet de leur corps qui reste trop souvent un pur objet de la convoitise (masculine pour l’essentiel). Lorsque les Femens choisissent leurs seins pour écrire leurs slogans, elles jouent sur cette dualité : faire de leur corps-objet un instrument « par destination » (1) de leur volonté militante, autrement dit de leur moi-sujet. Quant à l’indépendance de la femme-salariée, celle-ci va rire amèrement « Oui, va-t-elle dire : j’ai gagné mon indépendance à l’égard des hommes en gagnant péniblement mon salaire. Mais j’ai gardé la dépendance en restant la femme-épouse et la femme-mère ». 

Alors, messieurs, vous voyez ce qui vous attend ?

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(1) Par destination : précise une catégorie juridique dans laquelle entre un objet, voire un animal, non par sa nature, mais à cause de l’usage qui en est fait

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