vendredi 25 décembre 2020

O, temps, suspend ton vol – Chronique du 26 décembre

Bonjour-bonjour

 

Crainte ou espoir, cette suppression du temps ou plutôt de son écoulement est une éventualité qui plane au-dessus des fêtes du réveillon le jour de la saint Sylvestre : et si le douzième coup de l’horloge à minuit ne retentissait pas ? Et si les fêtards attendant l’ultime instant du 31 décembre comptaient : « 8, 9, 10, 11, 11, 11… » En bref, si 2020 refusait de partir ? « O, temps, suspend ton vol », chantait le poète : et si ce vœu devenait la terrible menace qui plane sur nous ? 

Fantasme ou réalité ? A part le physicien quantique, qui donc pourrait répondre à cette question ? Le philosophe quant à lui peut tenter non pas de répondre mais d’imaginer comment le temps pourrait s’accommoder de cette situation.

- D’abord un temps immobile est par définition impossible, sauf s’il se transforme en instant. C’est ainsi qu’on définit l’éternité : un instant qui s’étendrait jusqu’aux limites du temps, qui irait du plus lointain passé jusqu’à l’avenir le plus éloigné. Temps figé, rien ne pourrait ni disparaitre ni apparaitre en lui. 

- Mais comme ce temps ne peut être que celui de Dieu, les hommes imagineront un temps non pas immobile mais répétitif. Le temps cyclique, celui du mouvement qui se reproduit incessamment – comme celui des étoiles dans le ciel, est celui qui ressemble le plus à cette éternité-là, C'est le temps des étoiles qui, comme le disait Platon dans le Timée (37d-38a), « est l’image en mouvement de l’éternité immobile »

- Mais comment cette éternité cyclique pourrait-elle exister ailleurs que dans la voute étoilée ? Comment les êtres vivants s’en accommoderaient-ils ? Tous simplement en se reproduisant : c’est toujours Platon mais dans le Banquet cette fois, qui définit la reproduction comme l’immortalité des mortels (1). Mais alors, nous revoici face à la pandémie : la nature ne nous garantit pas de lui résister, mais seulement de pouvoir nous reproduire à temps pour perpétuer l’espèce. C’est ainsi que nous pourrons nous éterniser – non pas nous, pauvres individus, mais l’humanité entendue comme la collection des êtres humains.

Dans la lutte contre la pandémie, nous ne suivrons pas la nature en nous isolant mais ne nous reproduisant. Copulons donc mes frères pour nous reproduire et laisser derrière nous des êtres qui pourront prendre notre place.

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(1) « Chez le vivant mortel c'est cela même qui est immortel : la fécondité et la procréation » - Le Banquet – Discours de Diotime

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