vendredi 28 janvier 2022

Christel Heydemann, la nouvelle météorite d'Orange – Chronique du 29 janvier

 

 

 

Christel Eydemann

  

Bonjour-bonjour

 

Christel Heydemann nommée à la tête d’Orange – voilà une bonne nouvelle :  une seconde femme à la tête d’une entreprise du CAC 40 (1), c’est revigorant ! Occasion de vérifier que les femmes peuvent accéder aux postes les plus élevés dans la société française sans être des monstres.

Oui, j’emploie le terme de « monstre » et je ne crois pas forcer le trait. 

Pourquoi ? Rappelez-vous : nous sommes en juin 1981, un des plus grands changements politiques en France est en train de s’accomplir, et les interrogations sur l’avenir du pays affluent. Parmi celles-ci, le chanteur Michel Sardou, au faîte de son succès écrit et enregistre la chanson « Être une femme », où il imagine comment une femme pourrait devenir aussi puissante que des hommes. « Femme des années 80, / Mais femme jusqu'au bout des seins, / Ayant réussi l'amalgame / De l'autorité et du charme », telle est sa recette : une femme puissante ne peut être qu’une chimère (2). 

Lisez les paroles de cette chanson ; dans chaque couplet c’est la même idée : on peut imaginer une femme accédant aux plus hautes responsabilités du fait de ses compétences, mais on ne peut se défaire des fantasmes qu’elle déchaine chez nous, les hommes. Comme on le sait, les hommes de pouvoir indexent leur sexualité sur leur puissance sociale - on imagine donc les femmes qui accèdent au pouvoir sur le même modèle : on croit que plus le pouvoir des femmes sera grand, plus elles seront des bêtes sexuelles. A l’époque on a ridiculisé cette chanson qui est apparue réactionnaire ; mais on restait quand même prisonnier de ce fantasme au quel on résistait comme on pouvait en pensant  que si des femmes accédaient au statu de chef d’État ce serait à la condition exprès d’être désexualisée. 

On lira dans l’article référencé la biographie de Christel Heydemann ; manifestement le fait qu’elle soit une femme au sens le plus normal (j’allais dire « ordinaire ») n’a jamais été déterminant dans sa fulgurante ascension. C’est cela qui constitue un marqueur du progrès de la féminisation de la société : le fait d’être une femme ne vient plus polluer le rapport que ses collaborateurs ont avec elle. Et c’est cela qu’on ne pouvait imaginer en 1981 : les hommes de l’époque s’évertuaient à imaginer cette chimère d’un être mi-femme/mi-homme, dont la personnalité hybride serait encore accentuée le pouvoir. Michel Sardou ne peut échapper à cette règle, lorsqu’il fantasme dans sa chanson : « Maîtriser à fond le système, / Accéder au pouvoir suprême : / S'installer à la Présidence / Et de là faire bander la France. »

---------------------------

(1) Catherine MacGregor est directrice générale d’Engie. Sur Christel Heydemann lire ceci

(2) Chimère : Monstre fabuleux composite, de formes diverses, ayant généralement la tête d'un lion, le corps d'une chèvre, la queue d'un dragon et crachant du feu (CNRTL)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire