mardi 18 janvier 2022

Que faire des criminels ? – Chronique du 19 janvier

Bonjour-bonjour

 

La mort est une énigme : personne n’en est revenu pour nous raconter ce que « ça fait » de mourir. Ou plutôt ceux qui prétendent avoir vécu une « expérience de mort imminente » (en anglais EMI, voir ici) nous en livrent un récit où l’on peut souvent repérer des marqueurs culturels. En tout cas l’intérêt qu’on leur porte signifie bien qu’il y a là une forte demande.

Une demande qui va jusqu’à une autre forme d’expérience, possible celle-là : savoir « ce que ça fait de tuer quelqu’un ». Oui, ça, c’est possible, au point qu'un homme a récemment avoué avoir tué une auto-stoppeuse en 2018 pour voir quel effet ça faisait. Il a été condamné ce mardi soir à la perpétuité, assortie d’une peine de sureté de 22 ans. L’avocat général qui avait requis cette peine contre lui avait demandé aux jurés « une peine d’élimination de la société»

Deux observations :

1 – A propos de la demande du Procureur d’éliminer le coupable. S’il arrive que certains criminels soient jugés « irrécupérables » par la société, soit parce qu'ils sont des criminels endurcis, soit du fait du danger permanent qu’ils représentent, ou encore parce que la répulsion qu’ils suscitent est trop importante, la question est : que doit-on en faire ? (1) La peine de mort souvent présentée comme la seule sentence possible pour clore l’échelle des peines aurait ainsi une autre fonction : débarrasser le société d’un homme dont elle ne veut plus. D’ailleurs on avait autrefois, juste en dessous de la peine de mort, la  relégation dans des îles lointaines qui permettaient de se défaire définitivement de ces criminels.

Aujourd'hui encore la peine de prison à perpétuité dit la même chose : ceux qui y sont condamnés sont chassés définitivement de société des hommes. Bien sûr, d’autres diront que même un tel criminel peut encore être utile aux autres : les travaux forcés sont là pour le montrer. Mais de toute façon on admet que le châtiment d’un tel coupable ne peut pas se faire dans la perspective de sa réintégration dans le monde des hommes.

2 – Reste alors une autre question : pourquoi le fait de tuer dans l’unique but de faire une expérience personnelle serait un crime plus odieux que de tuer par brigandage ou par jalousie ? On se rappelle que Gide fait commettre à Lafcadio, le jeune héros des Caves du Vatican, un crime uniquement pour vérifier qu’un acte gratuit est possible : nous sommes dans le même registre.

Toutefois si Lafcadio n’a pu découvrir avec ce crime ce que ça fait de commettre un acte gratuit, le meurtrier de l’autostoppeuse a certainement fait ce qu’il voulait. 

Mais voilà : il aurait pu – il aurait – le faire en se rendant utile pour la société : par exemple en se faisant mercenaire embarqué pour une guerre lointaine.

C’est cela qui rend ce criminel irrécupérable : avoir refusé de faire de sa soif d’expérience quelque chose d'utile en mettant ce besoin au service de la société.

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(1) Il est entendu que la sentence qui serait prononcée dans ce cas contre eux devrait être judiciairement recevable (= pas de lynchage)

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