Bonjour-bonjour
La stupéfaction, puis l’indignation et enfin le dégoût : voilà ce que l’on ressent à la nouvelle de la mort du photographe René Robert laissé gisant sans secours pendant 9 heures sur un trottoir d’une rue parisienne fréquentée.
« C’est sans doute suite à un malaise, alors qu’il sortait de son domicile pour faire une promenade, que l’octogénaire est tombé sur le trottoir avant de rester neuf longues heures durant, inerte et sans le moindre secours. » peut-on lire ici.
Michel Mompontet, l’ami de la victime explique : « C’est un sans-abri, intrigué de voir le corps du vieil homme à même le sol, qui a « fait preuve d’humanité » et appelé les secours… Malheureusement trop tard. « Quand les pompiers sont arrivés, il devait être 6 h 30 du matin. Amené à l’hôpital Cochin en hypothermie extrême, il n’a pas pu être ranimé ». Monsieur Mompontet souligne : « Durant 9 heures aucun passant ne s’est arrêté pour voir pourquoi ce monsieur gisait sur le trottoir. Personne”
o-o-o
Comment une telle chose est-elle possible ? Pour le comprendre, essayons d’imaginer ce qui s’est passé dans la tête des gens qui ont côtoyé ce corps allongé sur le trottoir. Et d’abord était-ce un évènement particulier, ou bien était-il associé à quelque chose de courant à cet endroit le soir à Paris ? Et la réponse est « oui » : un homme dormant sur le trottoir est un fait courant dans les grandes villes et telle est probablement l’image qui est venue à l'esprit des passants, sans doute pressés comme on l’est toujours à Paris. Pour eux, monsieur Robert ne « gisait » pas sur le trottoir : il y était allongé. Il n’était pas évanoui, mais il dormait – sans doute pour purger une grande quantité d’alcool.
- Il ne s’agit surtout pas pour moi d’excuser des passants indifférents au sort de leur prochain. Mais plutôt de penser que cette indifférence d’une foule (admettons que les personnes qui ont vu et côtoyé le corps sur le trottoir ont constitué, si on les considère de façon cumulée, une foule) signifie forcément quelque chose. Une fois admise que la confusion éventuelle entre un homme qui fait un malaise au cours d’une promenade et un SDF aviné est possible, reste quand même un sursaut d’indignation : et quand bien même il s’agirait d’un SDF – faut-il se désintéresser de son sort ? « Quand un humain est couché sur le trottoir, aussi pressé que nous soyons, vérifions son état. Arrêtons-nous un instant. » conclut Michel Mompontet, l’ami de la victime.
- Oui, mais voilà : est-ce à nous de le faire ? Kant disait que les malheureux qui mendient dans les rues doivent certes être secourus, mais seulement par la puissance publique et non par les particuliers. Un ami du philosophe raconte que, quand celui-ci sortait pour se promener, il avait une canne dont il se servait pour écarter vigoureusement les mendiants qui s’approchaient de lui. Éh bien, comme lui, la misère publique nous indiffère, et même elle nous gêne. « Regardez cet ivrogne ! Que fait la maraude ? Où sont les caritatifs ? »
Nous aimerions bien avoir comme le philosophe une canne pour taper sur les pauvres qui viennent implorer notre secours.
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