Je sais : aujourd'hui, il faut et il suffit de se souhaiter la bonne année. Et si on avait des choses plus urgentes à faire ? Comme de se poser cette question : La faute peut-elle surgir longtemps après avoir commis l’acte ?
« Il m'aurait fallu beaucoup de lucidité et une grande force de caractère pour me soustraire aux dérives d'une liberté dont s'accommodaient tout autant mes confrères de la presse écrite et des radios. Ces qualités, je ne les ai pas eues. Je le regrette évidemment, ayant de surcroît le sentiment de n'avoir pas eu les mots qu'il fallait », déclare Bernard Pivot au JDD.
Et d’ajouter : « Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale ; aujourd'hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c'est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d'un pays, et, surtout, d'une époque » (Voir ici)
Il s’agit pour ceux qui n’auraient pas lu la presse ces jours-ci, d’un écrivain âgé d’une cinquantaine d’années en 1990 (au moment des faits) et qui publiait un récit dans lequel il ne faisait pas mystère de son attrait pour les toute-jeunes filles, à peine nubiles. Et, tandis qu’il évoquait avec le narcissisme qui le caractérisait son goût sexuel, considéré comme une particularité esthétique, une autre écrivaine qui participait à l’émission s’insurgeait : « Monsieur, au Québec vous seriez déjà en prison pour ce que vous venez de dire ! ». Il s’agissait de Denise Bombardier, et ses propos n’étaient pas passés inaperçus. Cela je peux le dire car j’ai un souvenir très clair de la séquence de cette émission 30 ans après : comme je ne suis pas atteint d’hypermnésie, il faut croire que cette scène avait quelque raison de me frapper.
Et je dirai que c’est la réaction de la québécoise plus que la confession de Matzneff qui en est la cause. L’écrivain français était pour moi un auteur « puant » l’ego-satisfaction, qui évoquait avec complaisance ce qui devait rester dans sa vie privée : nulle nécessité littéraire ne me paraissait justifier ce récit. Mais, qu’on le condamne avec un tel aplomb voilà qui justifiait a posteriori les procès en immoralité des auteurs tels que Baudelaire, Flaubert et les Goncourt. C’est bien ce que Bernard Pivot dit aujourd’hui en affirmant qu’à l’époque la littérature passait avant la morale, et qu’alors on se vantait de ne plus condamner les Fleurs du mal.
Il y a plus. Matzneff n’est pas Baudelaire, tant s’en faut, et ce qui nous (= me) scandalisait, c’est que cette déclaration québécoise remettait en cause notre liberté, en soumettant nos pulsions à la loi et à l’État. Je l’avoue, si cette séquence est restée dans ma mémoire, c’est que je croyais alors fermement que le consentement des partenaires suffisait à justifier ce qui se passait entre eux à cette occasion.
Je n’ai pas lu le livre de Vanessa Springora (en cours de publication) concernant sa relation avec l’écrivain, mais je crois qu’aujourd’hui on comprend que ce à quoi une très jeune fille (ou une femme en position d’infériorité) ne peut consentir totalement laisse la place à des souffrances qui se développent au cours du temps.
Bref, il y a dans ces affaires des victimes qui sont de l’ordre de « l’après-coup », je veux dire dont les souffrances se développent avec le temps – mais victimes, elles le sont ; et souffrances il y a.
La faute peut-elle surgir longtemps après l’acte ?
--> On lira la suite de cet article demain.
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