Ceux qui n'ont pas du tout participé à la grève sont des exceptions. Karim, 43 ans dont 13 ans passés à la RATP est de ceux-là. « La grève, c'est pour les riches ! », lance-t-il à la cantonade. Ce père de 4 enfants, endetté, interdit bancaire « et pas franchement pro syndicat », n'a pas « la tête à penser à la retraite ». Il préfère « regarder ce qu'il a sur son compte à la fin du mois »,
A ses côtés, Samsarah, 27 ans, prend la relève du bus 147, dont 37 stations relient Eglise de Pantin à Sevran. La jeune femme a participé à « deux jours de mobilisation grâce à l'argent du 13e mois, perdu 180 € dans la bataille sur un salaire net de 1 600 € par mois », alors, oui, clame-t-elle : « C'est une réalité, il faut de bonnes économies pour pouvoir faire grève durablement » Lu ici
Déjà, relevons le prénom de cette dame : « Samsarah » qui en sanskrit signifie « ensemble de ce qui circule » quelque chose faisant allusion à la roue de la vie, qui reprend à chaque naissance avec les déterminations venues de l’existence précédente. Cette conductrice a-t-elle été déterminée à prendre le volant d’un bus en raison de son prénom ou en raison des épisodes de sa vie précédente ? Toujours est-il que, pour elle, c’est le présent qui détermine ses décisions, et le présent, comme pour son collègue Karim, c’est le montant de son compte en banque à la fin du mois.
Au fond il y a une certaine dose de Gilet-jaune dans les grèves de la RATP ou de la SNCF (1) : c’est la paupérisation des travailleurs, le fait qu’en travaillant toujours plus dur, ils sont réduits à un budget étriqué, qui ne laisse aucune place aux loisirs ni aux marges de sécurité. Comme le dit Karim, « La grève, c'est pour les riches ! » : cela permet de toucher du doigt la réalité quotidienne du travail, celle qui ne se manifeste pas seulement durant les grèves, mais (hélas) tous les mois et tous les jours. On dira que ceux qui font grève se battent pour tous et ceux qui sont dans cette situation, que les conducteurs RATP non-endettés ou en meilleur position familiale font grève aussi pour leurs collègues comme Karim ou Samsarah.
C’est ainsi que les syndicats nous disent que les agents RATP ou SNCF ne sont pas des nantis qui défendent leurs avantages catégoriels, parce que, justement ils se battent pour tous les travailleurs soumis à cette injuste loi-retraite.
J’ai quand même du mal à le croire. On verra ce que cela va donner lorsque le gouvernement dira à ces agents : « Toutes vos revendications ont été satisfaites » : vont-ils dire « Nous continuons la grève parce que les autres salariés n’ont pas eu la même chance que nous ».
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(1) Comme le disent certains commentateurs de la vie publique française, les gilets-jaunes ont « perfusé » dans les syndicats, créant des passages directs entre la base de l’appareil du syndicat, prenant des décisions en dehors de celui-ci et amenant les dirigeants à courir après leur bas.
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