Bonjour-bonjour
Notre époque est parfois un peu rigide quand il s’agit des rapports hommes/femmes, mais il faut avouer qu’elle ne manque pas d’audace quand il s’agit de renouveler leur vision lorsque celle-ci nous vient du passé. C’est ainsi que le ballet de Prokofiev « Roméo et Juliette » vient d’être chorégraphié sous trois formes alternatives avec un homme et une femme ; deux hommes ; deux femmes. C’est Benjamin Millepied qui a produit ce triptyque, déclarant au passage : « C'est archaïque de faire Roméo & Juliette juste avec un homme et une femme ». (Lu ici)
Voulu comme célébration universelle de l’amour, on ne peut qu’être d’accord avec cette vision, sauf… sauf qu’il devient impossible de la raccorder avec les tableaux définis dans l’œuvre elle-même. Que devient la célèbre scène du balcon quand Roméo l’escalade pour rejoindre Julien qui l’attend en roucoulant ? Ou quand Juliette reçoit la visite de Julie ? Ou quand c’est Roméo déguisé en Juliette à moins que ce soit Juliette devenue … ? Je ne sais plus : je m’y perds.
On dira que la liberté du créateur est sans limite. Sauf quand ce créateur est aussi un re-créateur qui doit rendre justice de l’œuvre musicale et des histoires qui y sont racontées. Je trouve toujours pour ma part un peu ridicule ces « adaptations » d’opéras en costumes modernes, assorties d’une mise en perspective qui ignore parfois tout du livret original. Combien de ces opéras transposés à l’époque moderne mettent en scène un tyran sanguinaire entouré de sbires manteau de cuir-noir et mitraillette sous le bras ? Même quand c’est à peu près raccord avec l’histoire (comme pour Fidelio), qu’avons-nous à y gagner ? Le public ne viendrait-il à l’opéra que pour y voir des scènes d’actualité ? Et si c’était quand même un peu pour y entendre de la musique lyrique ?
On est un peu comme avec la cancel culture quand on veut à tout prix évaluer le passé à l’aune du présent. On refuse en effet à l’auteur la liberté de penser son histoire telle qu’elle était pensable à son époque.
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